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Julian Assange : Recherché par l’Empire, mort ou vif

Sources : Counterpunch / Le Grand Soir. Info
- par Alexander COCKBURN
- Traduction : blog.emceebeulogue

03 décembre 2010

Les ondes aux Etats-Unis vibrent des cris des assassins de salon qui braillent pour demander la tête de Julian Assange.

Jonah Goldberg, qui écrit pour le National Review, demande dans sa chronique : "Mais pourquoi Assange n’a-t-il pas été garrotté dans sa chambre d’hôtel il y a des années de ça ?". Sarah Palin veut qu’on le recherche coûte que coûte et qu’on le traduise en justice, car, dit-elle : "c’est un agent anti-américain qui a du sang sur les mains".

Assange survivra à ces fanfaronnades théâtrales. Ce qui est bien plus important, c’est de savoir comment il va s’en sortir quand il sera entre les mains du gouvernement américain, qui est littéralement furax. Le ministre de la Justice, Eric Holder, a annoncé que le Département de la Justice et le Pentagone "mènent actuellement une enquête judiciaire active" sur les dernières révélations publiées par Assange en vertu de la loi fédérale sur l’espionnage.

Quand on lui a demandé comment les Etats-Unis pouvaient poursuivre en justice quelqu’un qui n’était pas un citoyen américain, Holder a répondu : "Attendez, ce n’est pas une rodomontade" et a juré de "combler rapidement les lacunes de la législation actuelle aux Etats-Unis".

Autrement dit, la loi sur l’espionnage va être réécrite pour pouvoir coincer Assange et, très bientôt, si ne n’est déjà fait, le président Obama – qui, alors qu’il était candidat avait promis la "transparence" du gouvernement signera un décret pour donner son accord pour arrêter Assange et le traduire devant un tribunal américain. Amenez-le nous, et on réglera ensuite le problème du mandat d’habeas corpus.

Interpol, l’Organisation internationale de police criminelle, qui est chargé de mener les enquêtes pour la Cour Internationale de Justice à la Haye a émis un bref communiqué pour Assange. La Suède le recherche pour l’interroger sur deux plaintes pour agressions sexuelles, une qui semble se résumer à une accusation de rapports sexuels sans préservatif et au fait qu’il n’ait pas téléphoné à sa partenaire le lendemain.


Selon l’article d’Israel Shamir publié sur CounterPunch, celle qui a porté plainte contre lui, Anna Ardin :

"serait liée à des groupes anticastristes et anti-communistes financés par les US. Elle a débité ses attaques anticastristes dans le journal en langue suédoise "Revista de Asignaturas Cubanas" publié par Misceláneas de Cuba … Notez qu’Ardin a été expulsée de Cuba pour activités subversives".

Ce n’est certainement pas de la paranoïa que d’imaginer que c’est la CIA qui a fomenté ces accusations. Comme l’écrit Shamir,

"dès l’instant où Assange a cherché à se placer sous la protection de la loi sur les médias en Suède, la CIA a immédiatement menacé de suspendre sa collaboration avec les services de renseignements suédois, la SEPO".

La CIA a sans doute également envisagé la possibilité de précipiter Assange du haut d’un pont ou par la fenêtre (une méthode d’assassinat que privilégie l’Agence depuis le début de sa création) et en est arrivée à la triste conclusion que c’était désormais trop tard pour décider de ce genre de procédé.

L’ironie, c’est que les milliers de télégrammes diplomatiques de WikiLeaks ne contiennent pas de révélations renversantes qui puissent déstabiliser la sécurité de l’Empire US. La majorité d’entre eux illustrent simplement ce que tout le monde sait, à savoir que dans chaque capitale du monde, il y a un édifice connu sous le nom d’ambassade des Etats-Unis qui abrite des gens dont le rôle principal est de s’approprier des renseignements sur la situation locale emmaillotés de l’ignorance et des préjugés qui leur ont été inculqués lors de ce qu’on appelle des "études universitaires" aux Etats-Unis, où les classes dirigeantes sont actuellement plus ignorantes des réalités du monde que jamais auparavant.

Les comptes-rendus dans la presse officielle s’attendent à ce que nous soyons ébahis d’appendre que le roi d’Arabie Saoudite souhaite voir l’Iran rayé de la carte, que les US utilisent les diplomates comme des espions, qu’il y a de la corruption en Afghanistan, et qu’également la corruption n’est pas inconnue en Russie !

Ces articles de presse cultivent l’illusion que les ambassades US abritent des observateurs intelligents qui envoient avec zèle des renseignements utiles à leurs supérieurs à Washington. Alors qu’en fait, les diplomates – en supposant qu’ils ont un minimum de capacité d’analyse et de don d’observation – apprennent vite à avancer dans la carrière en envoyant des comptes-rendus au département d’état qui correspondront parfaitement aux préjugés des hauts responsables de la Maison Blanche et du Département d’Etat, des élus du Congrès les plus influents et des personnes les plus haut-placées de toutes les administrations.

Rappelez-vous : alors que l’Union Soviétique sombrait, l’ambassade US à Moscou s’obstinait à envoyer des rapports sur un Empire du Mal puissant qui se posait encore la question d’envahir l’Europe occidentale !

Tout cela ne vise pas à minimiser l’importance de ce dernier lot de documents de WikiLeaks. Des millions de personnes en Amérique et dans le monde ont bénéficié d’une rapide initiation sur les relations internationales et l’art de la diplomatie – et non des moindres puisqu’il s’agit de la prose cancanière de bas étage dont se servent les diplomates pour peaufiner les romans à clé condescendants qu’ils écriront quand ils ne seront pas loin de retraite.

Il y a des années de cela, Rebecca West a écrit dans son roman, "The Thinking Reed of a British diplomat", "Le roseau pensant d’un diplomate britannique", qui, "même quand ses yeux étaient plongés dans le décolleté d’une femme arrivait à donner l’impression qu’il songeait à l’Inde".

Dans la version actuelle, si on se fie aux instructions d’Hillary Clinton au Département d’Etat, l’envoyé US, feignant d’admirer la plastique de la charmante attachée culturelle française, songerait en réalité à comment s’emparer des informations sur sa carte de crédit, à obtenir son empreinte rétinienne, les mots de passe de ses mails et son numéro de voyageur-fréquent sur les lignes aériennes.

Il y a aussi des révélations authentiques qui présentent un grand intérêt, certaines étant loin de pouvoir être attribuées à la presse "officielle" US. Sur le site de CounterPunch la semaine dernière, Gareth Porter écrivait qu’il avait trouvé dans WikiLeaks, datant de février dernier, une dépêche diplomatique qui fournit un compte-rendu détaillé sur la façon dont les spécialistes russes des programmes de missiles balistiques iraniens avaient réfuté la suggestion des Etats-Unis que l’Iran avait des missiles pointés sur les capitales européennes ou que l’Iran envisageait de développer ce genre de capacité.

Porter souligne que :

"Les lecteurs des deux journaux US de référence n’ont jamais eu connaissance de ces faits essentiels contenus dans ce document. Le New York Times et le Washington Post ont seulement signalé que les Etats-Unis pensaient que l’Iran avait acheté ces missiles – censés s’appeler les BM-25 – à la Corée du Nord. Aucun des deux journaux n’a parlé de l’objection claire de la Russie sur l’avis des Etats-Unis ou du manque de preuves concrètes concernant les BM-25 dont parlaient les Etats-Unis.

"Le New York Times, qui, selon un article du Washington Post de lundi dernier, avait obtenu les dépêches diplomatiques non pas de WikiLeaks, mais du Guardian, n’a pas non plus publié le texte intégral de la dépêche.

L’article du NYT explique qu’ils avaient pris la décision de ne pas les publier "à la demande de l’administration Obama". Ce qui veut dire que les lecteurs ne pouvaient pas comparer le document publié dans l’article du Times avec l’original sans faire des recherches sur le site de WikiLeaks".

L’hostilité de la presse US "officielle" vis-à-vis de WikiLeaks était déjà manifeste dès la publication du premier lot de documents qui concernait les guerres en Iraq et en Afghanistan. Le NYT avait réalisé l’exploit peu glorieux de publier certaines des révélations tout en feignant de se pincer le nez, et tout en se livrant à une entreprise de démolition minable envers Assange écrite par son journaliste John F Burns, quelqu’un qui s’est forgé une solide réputation d’encenseur fidèle des décisions gouvernementales.

Assange et WikiLeaks ont, certes, été applaudis par de célèbres responsables de fuites comme Daniel Ellsberg, mais regarder la télévision, c’est comme écouter sans le vouloir la même manifestation de rage que provoquait en Grande-Bretagne au cours de la II° Guerre Mondiale la propagande féroce que Lord Haw-Haw – alias l’Irlandais William Joyce - diffusait depuis Berlin.

Comme l’écrit Glenn Greenwald dans sa chronique sur le site de Salon :

"Sur CNN, Wolf Blitzer était fou de rage que le gouvernement US n’ait pas su l’empêcher d’entendre ces informations … Puis, en bon journaliste, Blitzer exigeait que le gouvernement garantisse qu’il avait bien pris les mesures nécessaires pour l’empêcher, lui, les médias en général, et la population, de découvrir d’autres secrets : ’savons-nous s’ils se sont organisés pour le faire ? En d’autres termes, quelqu’un qui détient, à l’heure actuelle, des dossiers top secret ou top sécurité ne peut-il plus télécharger des infos sur un CD ou une clé USB ? C’est déjà tout prévu ?’ Le souci majeur de Blitzer – un des ’journalistes’ les plus estimés du pays – est de s’assurer que personne ne sache ce que mijote le gouvernement".

Ce second lot de fichiers WikiLeaks contient 261 millions de mots – c’est-à dire environ 3000 livres. Ils étalent les entrailles de l’Empire Américain.

Comme l’a écrit Israel Shamir la semaine dernière :

"Ces documents montrent qu’il y a ingérence des Etats-Unis dans la politique de pratiquement tous les pays, même ceux qui sont censés être neutres comme la Suède ou la Suisse. Les ambassades US surveillent de près leurs hôtes. Ils ont infiltré les milieux des médias, du commerce des armes, du pétrole, des services de renseignements, et ils font pression pour que les entreprises US soient placées en tête de liste. "

Ce bilan frappant sur la portée de l’Empire du début du XXI°s sera-t-il bientôt oublié ? Pas si un auteur compétent en offre une rédaction lisible et vigoureuse politiquement.

Mais attention : en novembre 1979, des étudiants iraniens avaient, à l’ambassade américaine de Téhéran, mis la main sur tout un lot d’archives du Département d’état US, de la CIA et de la Defense Intelligence Agency (DIA). Beaucoup de ces documents qui avaient été déchirés en petits morceaux avaient été reconstitués minutieusement.

Ces secrets concernaient bien plus que l’Iran. L’ambassade de Téhéran, qui servait de base régionale à la CIA, contenait des archives sur des opérations secrètes menées dans de nombreux pays, en particulier en Israël, en Union soviétique, en Turquie, au Pakistan, en Arabie Saoudite, au Koweït, en Irak et en Afghanistan.

A partir de 1982, les Iraniens avaient publié quelque 60 volumes de dossiers de la CIA et d’autres documents du gouvernement US trouvés dans les archives de Téhéran, et dont le titre collectif était : "Documents From the US Espionage Den" (documents de l’antre de l’espionnage US).

Comme l’a écrit, il y a des années, Edward Jay Epstein, historien qui travaillait sur les agences de renseignements US : "Sans aucun doute, ces archives représentent la plus importante perte de données secrètes qu’ait subie une grande puissance depuis la Seconde guerre mondiale".

De fait, la divulgation des archives de Téhéran portait un coup terrible à la sécurité nationale des Etats-Unis. Les documents décrivaient en détail les opérations et les méthodes des services secrets, et dévoilaient la complicité des journalistes avec les agences gouvernementales, ainsi que les complexités de la diplomatie du pétrole.

Ces volumes sont archivés ici (aux E-U, NDT), dans les centres de documentation universitaires. Sont-ils lus ? Oui, par une poignée de spécialistes. Ces vérités dérangeantes ont vite été enterrées – et peut-être que les documents WikiLeaks tomberont bientôt, eux aussi, dans les oubliettes de l’histoire, rejoignant les archives exaltantes des coups portés par la gauche aux services de renseignements.

Il me faut rendre hommage ici aux "Espions pour la paix’ – le groupe d’anarchistes britanniques d’action directe et d’autres radicaux de la même famille qui, associés à la "campagne pour le Désarmement nucléaire (Campaign for Nuclear Disarmament (CND)) et le Committee of 100 de Bertrand Russell se sont introduits, en 1963, dans un bunker secret du gouvernement, le "Regional Seat of Government Number 6 (RSG-6)" près de Reading (GB), où ils ont photographié et copié des documents qui indiquaient les plans secrets gouvernementaux qui seraient appliqués en cas de guerre nucléaire. Ils ont distribué à la presse un tract accompagné de copies de documents importants, où ils dénonçaient le "petit groupe de personnes qui estiment probable une guerre thermonucléaire, et qui la préparent sciemment et minutieusement. Ils attendent tranquillement que la bombe explose, car c’est le jour où ils prendront le pouvoir".

Ces révélations ont déclenché un énorme scandale et le gouvernement conservateur de l’époque avait alors publié une D-notice (Defence Advisory Notice) interdisant de nouvelles publications dans la presse. Les services de police et de renseignements ont longtemps recherché ces espions pour la paix, mais n’en n’ont retrouvé aucun.

Et Assange, me direz-vous ? Espérons qu’il sera préservé d’une mort prématurée. L’Equateur lui avait offert l’asile, jusqu’à ce que l’ambassade US de Quito envoie promptement ses ordres au président, et l’invitation a été annulée.

La Suisse ? Istanbul ? Hum. Comme dit plus haut, il faut qu’il se méfie des femmes qui l’invitent à de folles étreintes et qu’il évite les ponts et les fenêtres grandes ouvertes. En 1953, la CIA avait distribué à tous ses agents un manuel de formation pour assassin (qui a été rendu public en 1997) avec plein de conseils pratiques :

"L’accident le plus efficace, pour un assassinat simple, c’est la chute d’une hauteur d’au moins 25 mètres sur une surface dure. Les cages d’ascenseurs, ou d’escaliers, les fenêtres et les ponts vous seront utiles … l’opération peut être exécutée en attrapant rapidement et vigoureusement l’individu par les chevilles et en le faisant basculer par-dessus bord. Si l’assassin se met aussitôt à pousser des cris, jouant le rôle du "témoin horrifié", il n’y aura pas besoin d’alibi, ni de départ en catimini".

Alexander Cockburn

NB : cet article a été publié avant l’arrestation d’Assange. Suite aux prochains épisodes, donc…



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