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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Le scandale des tutelles

La manière dont la France traite ses vieux pose problème...

16 décembre 2006

Le constat est aujourd’hui accablant : fonds détournés, spoliation d’héritages, malversations, juges négligents, explosion des placements abusifs... Le nombre de personnes affaiblies par l’âge ou la maladie, aujourd’hui abusées par ceux-là mêmes qui sont censés protéger leurs intérêts, n’a cessé d’augmenter ces dernières années.

L’actuelle loi sur la protection juridique des majeurs, rédigée il y a plus de trente ans pour quelques milliers de personnes, concerne aujourd’hui près de 800 000 Français, pour la plupart fragilisées par leur grand âge, un handicap physique ou la perte de leurs facultés mentales. Une population qui augmente de 4% par an, et devrait progresser encore plus vite à l’avenir, compte tenu du vieillissement démographique.

Or, à ce jour, seuls 80 juges sont chargés de vérifier que les tuteurs s’occupent comme il convient de ces personnes et d’éviter les dérives, abus ou spoliations, soit un juge pour 10 000 personnes, ce qui est notoirement Insuffisant.


La demande de mise sous tutelle ou curatelle peut être effectuée par l’intéressé lui-même, par son conjoint, par ses ascendants ou descendants, frères et sœurs, par le ministère public (au TGI du lieu de résidence de l’intéressé), ou par saisine d’office du juge des tutelles, si l’existence d’une personne susceptible d’être mise sous curatelle lui est signalée.

A noter : Dans plus de la moitié des procédures, le juge se saisit d’office après avoir eu connaissance de l’état de la personne à protéger soit par son entourage, soit par les services sociaux ou le médecin traitant.

La loi leur fait obligation de recueillir l’avis d’un médecin (traitant ou spécialiste) mais ils ne sont pas liés par cet avis.

Il faut dire que le dispositif des tutelles et curatelles est à la fois inadapté au public qu’il vise aujourd’hui et étrangement laxiste. Quelque 40 % des intéressés ne sont même pas auditionnés avant d’être placés sous tutelle et l’instruction n’est pas suffisamment contradictoire. Si bien qu’une personne physiquement ou mentalement affaiblie, même momentanément, peut se retrouver sous mesure de protection contre son gré, tout un chacun étant habilité à signaler un "cas" à la justice...

Mais c’est encore dans la deuxième phase, l’exécution de la mesure de tutelle, que se rencontrent les dérives les plus spectaculaires.

Là encore, souvent, parce que le contrôle s’est relâché face à l’explosion des besoins. Les tuteurs se recrutent en majorité au sein de la famille (60% des cas), mais ils peuvent également être issus d’associations agréées par l’État (notamment les unions départementales familiales, un dispositif qui est généralement utilisé pour les personnes qui ont de petits revenus), ou simplement exercer à titre privé, qu’ils soient professionnels (notaires, banquiers, médecins...) ou non. Dans le lot, on trouve donc beaucoup de bonne volonté, mais peu de vraies compétences... et quelques escrocs notoires.

Aucun contrôle n’est effectué pour voir comment les garants de tutelles indépendants exécutent la mesure. Un certain nombre est honorable mais des suivis sont nécessaires, malheureusement il n’y en a pas assez.

Exemple : des centaines de milliers de Français sont victimes des pratiques abusives de certains organismes de crédit qui les plongent dans le malheur.

Des centaines de milliers de Français (et d’immigrés), pour la plupart des personnes retraitées ou proches de la retraite, ont perdu jusqu’à 50 et 60% de leurs économies parce que la plupart des banques et des assurances leur ont fait retirer leur argent de placements sûrs pour les reporter sur des "assurances-vie en unités de compte" et autres produits boursiers sans leur dire que ces placements étaient risqués. Et cela au sommet de la bulle boursière, en 1999-2000, ce qui a permis à des spéculateurs avisés de leur "fourguer" leurs actions et de s’enrichir.

L’État rémunérant des associations pour exercer ces tutelles et curatelles, il se retrouve doublement en première ligne. D’une part, le financement public a explosé au cours des dernières années : + 300% en dix ans, pour atteindre 130 millions d’euros en 2001. En outre, l’État devient comptable d’un nombre croissant d’abus commis par les associations qu’il a mandatées.


Dans leur livre « la France des incapables : 700 000 citoyens sous tutelles ou curatelle » Linda BENDALI et Nathalie TOPALOV dressent un constat qui est un véritable « mode d’emploi de l’arnaque aux tutelles ».

Le tuteur peut procéder seul à l’inventaire

« L’une des premières tâches (du tuteur) consiste... à faire l’inventaire des biens de son nouveau « protégé ». Il lui est donc facile de se servir au passage. Comme d’escamoter un ou deux bijoux de famille, le bas de laine retrouvé sous une pile de draps, faire main basse sur un tapis persan, une commode Louis-Philippe ou un service d’argenterie... » (p123).

« Curieusement, (le tuteur) peut procéder seul à cet inventaire. Les détrousseurs patentés ont alors toute latitude pour opérer. "Bizarrement, de nombreuses listes ne mentionnent aucune bague, ni boucle d’oreille, feint de s’étonner une juge parisienne. Cela me surprend toujours car dans le cas d’une vieille dame, même très pauvre, elle garde au moins son alliance ou un bijou de famille" » (p130).

Pas facile de retrouver les objets « mis sous tutelle ». Linda BENDALI et Nathalie TOPALOV citent quand même le cas de ce gérant de tutelle qui « s’était emparé d’une robe d’époque. Laquelle fut repérée dans un catalogue de Sotheby’s plusieurs mois plus tard »

Liquider à prix d’ami

« Certains tuteurs préfèrent dépouiller leurs protégés en préservant un semblant de régularité. Il leur suffit pour cela de vendre à des complices les appartements, maisons, meubles et autres effets personnels des majeurs sous tutelle. Et de se réserver un pourcentage. Ou, encore, d’acheter eux-mêmes ces biens par l’entreprise d’un prête-nom. Le tout se négociant évidemment à prix d’ami (p131) ». Ou « estimer » à 60 euros un diamant, indique une greffière en chef de Paris...

Toucher des bakchichs

« Doté d’une délégation de signature pour chacun des adultes dont il gère les biens, un tuteur représente a lui tout seul plusieurs dizaines, voire centaines de contrats potentiels » (p134). Pour l’ouverture d’un compte de « protégé », « certains établissements bancaires versaient (explique une ancienne déléguée à la tutelle) une rétrocession de 3%. » Pas au « protégé » bien sûr.

« La liste des "corrupteurs" potentiels s’étire à l’infini : des brocanteurs et antiquaires... des entreprises de déménagement, maçonnerie ou plomberie... banquiers et assureurs... des sociétés de pompes funèbres... »

« Dernièrement, un tuteur lorrain s’est fait épingler pour avoir accepté la bagatelle de 46 000 euros pour la signature de contrats d’assurance ». (p135)

« Au pif »

« Qui connaît au juste le nombre d’escroqueries en tout genre dont sont victimes les personnes placées sous tutelle ? Personne, en fait c’est au pif que juges et greffiers avancent l’idée que 5% des tuteurs... se servent parfois dans la caisse. Mais comment la justice pourrait-elle être plus précise puisqu’elle se révèle incapable de contrôler chaque compte de tutelle fourni par les gérants en fin d’année ? (p123). D’autant que « certains dossiers (ne sont) même jamais ouverts ».

MAJEURE SOUS « PROTECTION » ET MORTE DEPUIS CINQ MOIS...

En septembre 2001, à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, une femme de 63 ans est retrouvée morte à son domicile. Cela faisait cinq mois que cette retraitée dépressive, mise sous tutelle un an auparavant, avait passé l’arme à gauche. Non loin d’elle, son chat gisait, mort lui aussi.

Il a fallu une fuite d’eau et des infiltrations chez une voisine pour que le gardien de ce petit immeuble de deux étages tente de joindre cette discrète locataire. Sans succès. La défunte vivait seule, recluse. Il lui arrivait parfois d’être hospitalisée plusieurs semaines. Les voisins ne s’étaient donc pas inquiétés de son absence.Interrogé par le « Parisien », le tuteur a refusé de s’expliquer.

(extrait du livre de Linda BENDALI et Nathalie TOPALOV, « La France des incapables : 700 000 citoyens sous tutelle ou curatelle », éditions le Cherche Midi).

Sans commentaire.


Autres exemples :

C’est l’histoire de cette jeune femme, mentalement légèrement déficiente, que ses frères et sœurs décident un beau jour, à la mort de leurs parents, de faire interner grâce à des témoignages très exagérés de son voisinage afin de régler entre eux la succession.

Ou encore celle de ces pensionnaires d’une maison de retraite qui, pendant des années, n’ont jamais vu la couleur de leurs intérêts bancaires... empochés par le gérant chargé de leurs affaires.

ARTICLES DU JOURNAL DE L’YONNE RÉPUBLICAINE SUR LE DÉCÈS D’UNE SEPTUAGÉNAIRE MORTE DANS SES DÉCHET

Lu dans L’Yonne, daté du 20/06/06 :

  • Septuagénaire morte dans ses déchets : l’UDAF va s’expliquer

Dans notre précédente édition, nous relations la découverte du cadavre d’une femme de 75 ans, Suzanne Lurton, retrouvée morte à son domicile, parmi ses déchets, le 7 juin dernier, à Saint-Julien-du-Sault. La septuagénaire était placée sous tutelle de l’UDAF (Union départementale des affaires familiales) de l’Yonne et devait, théoriquement, être suivie de manière régulière. Contacté hier, le directeur de l’UDAF de l’Yonne, Olivier Cerf, n’a pas souhaité répondre à nos questions, préférant transmettre un communiqué de presse à notre rédaction, ce mardi.
Le directeur a simplement déclaré être "dans l’attente d’informations" de la part de la personne qui suivait la septuagénaire.Le président de l’UDAF de l’Yonne, Michel Canet, n’a pas apporté davantage de réponses."Je ne connais pas le dossier, je n’ai pas accès direct à ces éléments. Ce n’est pas de mon domaine, mais de celui des personnes qualifiées"Enfin, impossible de joindre un seul responsable à la préfecture de l’Yonne : tous ses services étaient occupés, hier, dans un exercice d’alerte de la grippe aviaire... »

Lu dans L’Yonne, daté du 21/06/06 :

  • Septuagénaire morte à Saint-Julien-du-Sault : l’UDAF s’apprête à réunir une commission interne

« "Afin de ne pas évacuer que des insuffisances ont pu être commises dans le suivi de ce dossier, une commission interne à l’UDAF, émanation du conseil d’administration, se réunira à bref délai pour examiner les conditions de la prise en charge de Mlle Lurton. " C’est ce qu’indiquent, dans un long communiqué de presse, le directeur et le président de l’UDAF (Union départementale des affaires familiales) de l’Yonne, Olivier Cerf et Michel Canet, suite au décès dramatique d’une femme de 75 ans, Suzanne Lurton, placée sous tutelle, et qui a été retrouvée morte au milieu dans ses déchets à Saint-Julien-du-Sault (lire nos précédentes éditions).Il faudra donc attendre encore un peu pour faire la lumière sur d’éventuels dysfonctionnements de l’organisme tutélaire.
Dans ce même communiqué, l’UDAF rappelle qu’elle s’est vu confier « une mesure civile qui porte d’abord sur la protection de du patrimoine » de Suzanne Lurton.

"Cette mesure s’imposait, mais sans être en capacité de juger de ce qui s’était passé auparavant, force est de constater que la situation s’était gravement dégradée lorsque la mesure a été confiée à l’UDAF et que nous avons dû travailler ferme pour essayer, parfois vainement, de voir ses intérêts rétablis. Car cette dame était effectivement héritière de plusieurs biens immobiliers dont elle s’était retrouvée de fait dépossédée et elle s’est retrouvée logée dans cette maison sans confort alors qu’elle disposait de l’usufruit d’un bien familial/"L’UDAF de l’Yonne dit avoir proposé un autre logement à Suzanne Lurton. Sans succès."Solitaire, refusant le contact, traumatisée par la façon dont elle avait été amenée à quitter le domicile familial, cette dame n’a pas accepté le relogement dans une pension de famille qui lui était proposé par l’UDAF, elle a conduit l’aide ménagère qui intervenait chez elle à démissionner et a refusé toute nouvelle mise en place d’assistance. » L’organisme tutélaire précise même que « cette situation était connue à la mairie".

D’une manière générale, le rôle d’un organisme tutélaire ne se limite pas à la protection des biens et des ressources (définie par les articles 488 et suivant du Code civil).L’UDAF de l’Yonne précise que " la jurisprudence demande à l’organisme de tutelle de veiller que la personne ait accès à des soins, dispose d’une couverture sociale, qu’elle dispose d’un toit et d’un minimum d’accompagnement social, qu’elle puisse bénéficier des aides de droit commun ". La tutelle, " recours ultime"Ceci dit, l’UDAF de l’Yonne n’entend pas assumer seule la responsabilité de ce drame, qui doit amener à "s’interroger sur le fonctionnement du système de protection des majeurs et plus largement la façon dont chacun intervient ou se débarrasse de ses responsabilités sociales sur d’autre. [...] Notre système juridique et social fait trop souvent de la mesure de tutelle le recours ultime lorsque l’on constate l’incapacité à aboutir au travers des solutions médicales ou sociales. [...] Les mesures de protection ne sont pas des potions capables d’apporter des solutions miraculeuses la où la psychiatrie, le secteur social ont été mis en défaut. Les organismes tutélaires ne peuvent agir qu’en appuyant leur action sur tous ceux qui interviennent ordinairement auprès des personnes en difficulté et ils n’inventeront pas à eux seuls les dispositifs sociaux et médicaux inexistants." Une réforme du système de protection des majeurs est envisagée depuis plusieurs années. Mais, selon l’UDAF de l’Yonne, " elle se heurte à la question de son financement". »


Rappelons quelques étapes de l’interminable réflexion gouvernementale sur le sujet :

  • en février 1998, les trois inspections générales des services judiciaires, des finances et des affaires sociales, autrement dit le gratin du gratin de la haute fonction publique, proposent une réforme ,
  • même chose pour la mission de recherche "Droit et justice" mise en place au ministère de la justice en 1996, donc par le gouvernement Juppé, et qui propose des réformes en décembre 1998, donc sous le gouvernement Jospin,
  • le groupe de travail interministériel, dit commission Favard, mis en place en juin 1999, publie ses recommandations en 2000, c’est toujours le gouvernement Jospin,
  • le 30 janvier 2002, les ministres de la justice et de la solidarité du gouvernement Jospin annoncent un projet de réforme en 4 points, quelques mois avant l’élection de Jacques Chirac,
  • deux groupes de travail mis en place par le ministre délégué à la famille au second semestre 2002, donc sous le gouvernement Raffarin, rendent leur rapport le 7 juillet 2003, avec comme d’habitude, des propositions très complètes,
  • "Le temps n’est plus où les personnes malades, infirmes ou séniles devaient être interdites de droits..." (M Perben, ministre de la justice, le 9 decembre 2004).
  • sans oublier une longue concertation engagée par le gouvernement actuel avec les départements,

A suivre...

Pour info, en cas de litige avec une tutelle : AFCAT (Association française contre les Abus Tutélaires) 621, chemin de la Rossignole. 69390 Vernaison Tél. : 04.26.01.49.59

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