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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE
Editocratie et réacosphère multicarte

À quoi sert Eric Zemmour ?

Source : Acrimed
- par Henri Maler

le 30 mars 2010

Dépôt de plainte de la Licra et menace de licenciement par Le Figaro, retirés après les « excuses » présentées par Éric Zemmour sur sa dernière sortie justifiant les contrôles au faciès par l’origine noire et arabe de « la plupart des délinquants »… Accusation portée contre Ardisson et dépôt de plainte de ce dernier… Éditoriaux en cascade, tribunes libres à profusion…

Qu’est-il encore possible de faire entendre dans le tintamarre qui accompagne les dernières prises de position d’Éric Zemmour ?


Un journaliste réactionnaire ? Et alors ?

Éric Zemmour est réactionnaire. Et il ne s’en cache pas. Pour le dire en utilisant l’une de ses expressions préférées, « c’est évident » ! Un réactionnaire cultivé et même un visionnaire. Il voit que la peau noire n’a pas la même couleur que la peau blanche, et il en conclut que, fondées sur ces apparences, les races existent. Il voit qu’il existe des différences morphologiques entre les hommes et les femmes, et il en conclut que leur égalité met en péril les différences entre les sexes. Il voit que nombre de délinquants sont des enfants, des petits-enfants et même des arrière-petits-enfants d’immigrés, et il conclut que c’est l’immigration mal assimilée (et non la pauvreté galopante) qui est la cause de la délinquance. Parfois, sa « grille de lecture » (une autre de ses expressions favorites) lui découvre quelques faits : les ravages de la mondialisation libérale et la perte de substance des politiques nationales… Mais c’est toujours « à droite, toute ». Éric Zemmour est inconsolable : la France a manqué sa vocation impériale (et les hommes ont été privés de leur virilité), dit-il.

Faut-il priver Éric Zemmour de sa liberté d’expression et de ses déplorations ?
Faut-il empêcher ce visionnaire d’exhiber son savoir ? Non, « c’est évident » !
Faut-il combattre ses « idées » ? Pour ceux qui les réprouvent, « c’est évident » aussi.
Mais du point de vue de la critique des médias, les vrais problèmes sont ailleurs…

Un journaliste omniprésent ? Il n’est pas le seul…

Éric Zemmour a rejoint le club relativement fermé des omniprésents. Chaque semaine, on peut le lire dans les colonnes du Figaro Magazine. On peut le trouver tous les samedis sur France 2 dans « On n’est pas couché », sur I-télé à 11h35, 16h36 et 20h36 dans « Ça se dispute » et sur France Ô dans « L’Hebdo ». Le vendredi, une fois par mois, il est sur Histoire à 19h dans « Historiquement Show » et tous les matins de la semaine sur RTL, pour la chronique « Z comme Zemmour » dans la matinale de Vincent Parizot. Sans compter les émissions auxquelles il participe plus ou moins occasionnellement, de France 5 à Radio Courtoisie.

Protester contre l’appartenance d’Éric Zemmour au cercle des journalistes multicarte, c’est manquer la cible principale : l’existence même de ce cercle. Un cercle dont les effets de censure sur tous ceux qui en sont exclus s’avèrent beaucoup plus puissants que le « maccarthysme » dont Éric Zemmour prétend être la victime – la seule victime.

Se focaliser pour des raisons politiques compréhensibles sur sa présence ne doit pas masquer que c’est la fermeture imposée par les omniprésents qui pose d’abord problème. Qui n’a droit qu’à une parole raréfiée dans l’espace médiatique ? Une parole qui ne leur est accordée, en général, qu’en qualité d’invités, quand ils sont invités ? Ceux-là mêmes que Zemmour pourfend avec assiduité…

Un journaliste omniscient ? Comme tant d’autres…

La plupart des éditorialistes et chroniqueurs du « club » - dont le livre Les Éditocrates trace quelques portraits [1] - non seulement ont un avis sur tout, mais se prévalent d’une compétence exceptionnelle : une compétence qu’ils consacrent eux-mêmes pour déguiser leurs savoirs incertains en opinions solidement fondées. Éric Zemmour est de ceux-là. Et comme eux, il cuisine sa tambouille à grand renfort d’erreurs grossières, d’approximations historiques et de faits déformés.

Devant tant de connaissances, on est en droit de se demander s’il ne faut pas mettre au crédit de l’ENA le double échec de Zemmour au concours d’entrée. Mais nous n’irons pas jusque-là… Il nous suffit de constater que, en l’occurrence, la déontologie journalistique qu’il partage avec quelques autres peut être résumée en une phrase : peu importe si les faits sont faux puisque les commentaires sont libres.

Reste cette question : qu’est-ce qui distingue Éric Zemmour des autres omniscients ? Ses positions politiques, bien sûr, mais pimentées d’une inaltérable arrogance. Notre visionnaire (qui voit surtout ce que voient les pires réactionnaires, lettrés ou non, membres du Front National ou pas) se présente comme un visionnaire cultivé qui rehausse de l’affirmation de sa très haute culture le mépris dont il accable les pelés et les galeux contre lesquels il polémique.

Et ses prétentions à la très haute culture, qu’il ne cesse d’afficher avec l’éloquence des cuistres, donnent à ses visions des lettres de noblesse et des titres de légitimité auprès de ceux qui l’admirent [4] Telle est la fonction politique du polémiste – en l’occurrence réactionnaire – Éric Zemmour.

Un journaliste transgressif ? Un « bon client », d’abord

Mais la fonction politique d’Éric Zemmour ne se confond pas avec sa fonction médiatique.

Ce sont sans doute moins les positions politiques qu’il défend que le rôle qui lui est attribué sur la scène médiatique qui intéressent ceux qui l’exhibent : un rôle qui intéresse du même coup et au premier chef la critique des médias.

Éric Zemmour fait partie de ces « bons clients » qui transforment le débat public en spectacle de « clashs » et de « disputes ». Il doit d’abord sa popularité au rôle qu’il interprète dans l’émission « On n’est pas couché ». Et si la direction de RTL a eu recours à ses services, c’est, bien sûr, parce que ses positions politiques ne la dérangent guère, mais c’est surtout pour honorer son talent de polémiste et s’en servir. « Z comme Zemmour » : le titre de la chronique atteste que Zemmour interprète le rôle du « vengeur masqué ». Et fait librement son cinéma.

C’est cette liberté qui serait menacée. Mais est-il indispensable pour défendre, comme il se doit, la liberté d’expression de tracer un trait d’égalité entre toutes les outrances – celles de Stéphane Guillon et celles d’Éric Zemmour - alors que ce dernier se croit sérieux et se prend au sérieux ?

Journalistes et humoristes peuvent être interchangeables : certains dessins de presse valent bien des éditoriaux. Mais on ne peut tenir pour équivalentes, parce qu’elles seraient toutes deux « provocantes » et « politiquement incorrectes », la satire politique et sa caricature involontaire.

Les zélateurs du mélange des genres adorent cette confusion, puisque les émissions de divertissement sont en passe de devenir, si rien n’inverse cette tendance, la vérité des émissions de confrontation politique. Triompherait alors, à grand renfort de compétitions médiatiques, de vitupérations radiophoniques et de transgressions cathodiques une variété de conformisme contestataire : celui qui sans rien déranger ni de l’ordre social ni de l’ordre médiatique existants, s’accorde quelques frissons. Au risque que soient confondus les éclats de rire et les éclats de boue.

Henri Maler

Notes

[1] Les Éditocrates. Ou comment parler de (presque) tout en racontant (vraiment) n’importe quoi, par Mona Chollet, Olivier Cyran, Sébastien Fontenelle et Mathias Reymond, La Découverte, novembre 2009.

[2] Et notamment auprès de ces bons Français qui pensent tout bas (comme ils le disent si souvent sur les « forums » du Web) ce qu’Éric Zemmour dit tout haut.

- Intégral de l’article sur Acrimed



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