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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Bhopal : vivre et mourir avec le risque industriel

Source :Le Monde diplomatique
- Par Olivier Bailly

Décembre 2004

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, à Bhopal, en Inde, un nuage toxique d’un des gaz les plus dangereux de la chimie industrielle s’échappait d’une usine filiale de la multinationale américaine Union Carbide. La catastrophe causait plusieurs milliers de morts et plus de 300 000 malades, dont beaucoup, handicapés, vivent toujours dans des conditions déplorables. A ce drame a succédé le scandale d’une impunité qui a permis aux dirigeants d’Union Carbide d’échapper à la justice indienne et à leurs responsabilités. Comme s’il s’était agi d’une catastrophe naturelle imprévisible et contre laquelle on ne pouvait rien...


Gas Miyan pourrait être le symbole d’une lutte, l’icône d’un drame à ne pas oublier. Mais ce jeune homme de 20 ans se tient simplement parmi les autres dans le quartier déshérité de Nawab Colony, à Bhopal. Ses joues sont déchiquetées par des boutons et son corps chétif peine à se déployer. Quand on se met sur la pointe des pieds en face de sa maison, une construction illégale, on peut apercevoir la torchère de l’ancienne usine, l’entreprise qui a bouleversé sa vie...

Gas Miyan est né le 3 décembre 1984. Cette nuit, le ventre rond de sa mère Champa réjouit son père, Eshaq. Soudain, à proximité, un gaz hautement toxique, l’isocyanate de méthyle (le MIC, à base de phosgène, le fameux gaz moutarde), s’échappe du réservoir E610 de l’usine d’Union Carbide India Limited - UCIL (1) -, où sont produits deux pesticides, le Temik et le Sevin. De l’eau a pénétré dans la cuve et provoque une réaction chimique. Des systèmes de sécurité supposés prévenir tout désastre, pas un ne fonctionne cette nuit. Suite à un plan d’économie drastique, ils sont soit défaillants, soit en réparation. Dans la salle de commandes de l’usine, le manomètre du réservoir E610 indique bien une surpression, mais les employés ont l’habitude de ces aiguilles qui s’affolent inutilement, faute d’entretien, et ne s’en inquiètent plus guère. Quarante-deux tonnes de MIC se répandent alors sur la cité, une quantité deux fois supérieure au stockage maximum autorisé.

Le gaz atteint les premières habitations. Champa et Eshaq entendent des cris, les voisins toussent, les yeux deviennent brûlants. Beaucoup de personnes meurent immédiatement dans leur lit, un épais brouillard gomme les environs, la ville entière suffoque dans la rue. Champa et Eshaq se perdent. Enceinte et parvenue à terme, Champa court vers le Ghandi Ladies Hospital. A bout de souffle, assaillie de douleurs au ventre, elle s’arrête en chemin et accouche au bord de la route. Un enfant naît dans la fureur de la plus grande catastrophe chimique au monde. Ne sachant comment l’appeler, ses parents nomment leur fils... « Gaz » - « Gas Miyan (2) »...

Gas fait partie des 500 000 vies abîmées par cette catastrophe. Des milliers d’autres ont été emportées (3). Gas n’a jamais travaillé, son insuffisance respiratoire l’empêchant d’effectuer un labeur physique. Il n’étudie pas, parce que sa famille n’a pas d’argent. Jovial, il dit ne pas avoir encore décidé ce qu’il allait faire plus tard, mais Union Carbide a terriblement réduit le champ des avenirs possibles. « S’il n’y avait pas eu cette catastrophe, dit-il, je serais aujourd’hui en bonne santé et pourrais nourrir ma famille. »

La multinationale américaine n’a pas toujours été synonyme de désolation. En 1978, sous la pression du gouvernement indien, qui cherche alors à atteindre la sécurité alimentaire à travers la « révolution verte », Union Carbide construit à Bhopal une usine pour produire 5 000 tonnes de pesticides par an (4). Les habitants appréciaient cette installation pourvoyeuse d’emplois, rapidement encerclée par les quartiers pauvres. « En face de l’entrée du site, il y avait un restaurant où l’on discutait avec les travailleurs, se souvient M. Jagee Miyan. Tout le monde était content d’Union Carbide. C’était très gros, même pour une ville comme Bhopal. Et c’était américain, donc c’était bon. Quand on allait y travailler, on recevait 50 roupies par jour pour nettoyer les allées, un bon salaire pour un travail facile. »

Le relatif échec des ventes du Sevin en Inde rend l’usine déficitaire à partir de 1982. Pour pallier les pertes, la direction diminue les frais de fonctionnement et licencie une bonne partie du personnel qualifié, l’effectif global passant de 1 500 à 950 employés. Conséquence, des problèmes liés à la sécurité se font jour - cinq importantes fuites de gaz en 1981 et 1983 provoquent un décès et 47 blessés. Sans aucune réaction digne de ce nom. Jusqu’à l’accident fatal.

Comme la plupart des victimes de cette logique criminelle, Jagee, Gas et leurs parents ont reçu en compensation 25 000 roupies - 715 euros (5) -, prix de leur santé envolée. Une somme insuffisante pour vingt ans de douleur. Cet argent provient des 470 millions de dollars qu’Union Carbide a versés en 1989 à l’Etat indien pour dédommager les victimes (6). Représentant ces dernières dans les négociations, en vertu du « Bhopal Gas Leak Disaster (Processing of Claims) Act » du 29 mars 1985, l’Etat a bâclé sa tâche. Les responsabilités pénales de la multinationale et de ses dirigeants sont passées à la trappe en échange d’une indemnisation près de six fois inférieure aux 3 milliards de dollars initialement demandés. En quelque sorte, une nouvelle virginité à bas prix.

« Le résultat d’une bataille fantoche, tranche M. Sattynah Sarangi, responsable de l’organisation non gouvernementale (ONG) Sambhavna Trust, qui gère une clinique à Bhopal. La stratégie d’Union Carbide a été de tout mettre sur le dos du gouvernement, ainsi que sur sa filiale indienne, Union Carbide India Limited. » Les victimes ont ressenti l’accord de 1989 comme une trahison, et ont considéré l’Etat indien comme complice des multinationales. En refusant de poursuivre Union Carbide pour son crime industriel et en acceptant un dédommagement aussi faible, ce gouvernement a validé le terrible pari économique de nombreuses multinationales : une vie dans le tiers-monde ne vaut pas le centième d’une vie dans un pays industrialisé. Les calculs pour fixer un montant d’indemnité ont tenu compte d’une espérance de vie restante ne dépassant pas trente ans et d’un revenu moyen par ménage de 800 roupies (23 euros) par mois (7).

Dans la plupart des cas, les familles ayant perdu un proche ont touché entre 50 000 et 100 000 roupies (1 430 et 2 860 euros). Une somme dérisoire. En comparaison, chaque famille victime du drame de Lockerbie (8) a reçu 4 millions de dollars, soit environ 1 500 à 3 000 fois plus.

Ce maigre butin aurait dû, dès lors, être réparti avec encore plus d’attention. Pourtant, la distribution des compensations n’a cessé depuis vingt ans de faire grincer les dents ; le solde des 470 millions de dollars ne sera distribué qu’à la fin de cette année 2004 - le gouvernement indien ayant décidé de clore les dossiers de demande d’indemnisation (avec les intérêts, environ 300 millions de dollars). Vingt ans après le drame !

Depuis le début, l’Etat a été incapable de fournir des chiffres exacts et des méthodes scientifiques pour identifier les victimes de la catastrophe. « Quand l’accord a été signé, en 1989, les personnes touchées par le drame se chiffraient à 10 000, explique N. S. Sharma, journaliste à The Tribune. En 1995, au moment de verser l’argent, elles étaient 67 000 ! Comment est-il possible que, au moment de l’accord, plus de quatre ans après le drame, le chiffre n’ait pas été correct ? »

Le plus grand défi était la mise sur pied d’un système d’identification des victimes, car rien ne distingue systématiquement un patient affecté par le MIC d’un autre malade. Aussi, faute d’informations médicales suffisantes concernant les effets du gaz sur les êtres humains, le critère géographique a-t-il prévalu. Un haut conseil médical a déterminé les quartiers traversés par le nuage toxique. Parmi les 56 zones de Bhopal, 36 ont été scientifiquement considérées comme « affectées ». Toutes ces zones étaient dans la vieille ville.

Pour recevoir une compensation, il fallait donc prouver deux faits : avoir habité l’une des 36 zones touchées la nuit du drame et disposer d’un document médical attestant d’une maladie. Mais, dans un pays où, surtout parmi les plus pauvres, la demande de papiers est perçue comme une tracasserie inutile (9), la corruption de l’administration, la faible alphabétisation des victimes et l’ampleur de la catastrophe ont vite mis à mal ces procédures. Des victimes mal informées ont ainsi repris tant bien que mal le cours de leur vie dès le lendemain du drame, tandis que d’autres personnes s’engouffraient dans les failles de la bureaucratie.

« Ce système a engendré un commerce de documents falsifiés, témoigne N. S. Sharma. La nuit du 3 décembre 1984, j’étais à Jammu, dans le Cachemire, à des milliers de kilomètres de Bhopal. Pourtant, quand je suis arrivé à Bhopal, en 1991, on m’a proposé, pour 800 roupies (23 euros), une carte prouvant que je résidais dans une zone affectée. » « Quant aux preuves médicales, complète M. Ravi Pratap Singh, de l’Action Aid India, des médecins vous en fournissaient pour 1000 roupies. »

Victimes ou non, des centaines de milliers de personnes profitent ainsi de soins gratuits depuis vingt ans. Curieusement, pourtant, les personnes rencontrées, souvent démunies, évitent de recourir aux soins gouvernementaux. M. Murlidhar-Sahu fait ainsi appel aux « privés », dont les échoppes et les affiches sont omniprésentes dans les rues de Bhopal : « Je préfère ne pas aller dans un hôpital gouvernemental. C’est inutile, les queues sont trop longues et il faut trop de documents. » Champa, elle, prétend que son médecin lui a conseillé de consulter un privé, et, comme d’autres, affirme que les médicaments qu’elle reçoit des structures gouvernementales sont inefficaces. Nihin, 22 ans, alterne pour sa part soins gouvernementaux et soins privés. Appuyant ces témoignages, M. Sattinah Sarangi n’est pas tendre avec les services médicaux de l’Etat : « Ces hôpitaux n’ont toujours pas de protocole de traitement permettant des prescriptions méthodiques, adaptées à des symptômes multiples et complexes. Dirigés par des bureaucrates, ils sont en outre de piètre qualité. Ensuite, le gouvernement a arrêté en 1994 toutes ses recherches sur les effets du MIC, alors qu’il aurait été essentiel d’observer sur le long terme l’évolution des cancers ou celle des enfants exposés au gaz. »

Pourtant, le gouvernement central et l’Etat du Madhya Pradesh ont mené des projets concrets pour le bien-être de la population. En plus des soins gratuits, des rations alimentaires, du blé, du riz, du sucre sont toujours distribués, vingt ans après les faits ; des ateliers de réinsertion professionnelle ont été installés, de modestes compensations financières ont été rapidement distribuées, un département a été spécifiquement créé pour gérer les problèmes liés à la catastrophe. Aussi le discours des autorités locales est-il bien plus enthousiaste à l’heure des bilans : « Le gouvernement de l’Etat du Madhya Pradesh estime que la réhabilitation des victimes est l’un des programmes de réhabilitation les plus réussis jamais entrepris par aucun gouvernement dans l’histoire des désastres industriels (10) », prétend ainsi M. Bhupal Singh, haut responsable du Bhopal Gas Tragedy Relief and Rehabilitation Department. « Sur le plan médical, nous avons réussi à contenir les conséquences du désastre. Aujourd’hui, l’aide est suffisante. »

Responsable médical dans le même département, le docteur B. S. Ohri partage l’analyse de son supérieur. « Les maladies dues aux MIC correspondent à un épisode précis de la catastrophe, un problème réduit. Graduellement, les gens ont recouvré leur santé, et, aujourd’hui, la situation est confortable, il n’y a plus d’urgence. » D’ailleurs, avec 31 hôpitaux et dispensaires gouvernementaux pour un total de 634 lits, le docteur Ohri estime même que l’offre publique de soins est trop importante pour les 500 000 personnes affectées par la catastrophe.

Autre vision au Nehru Hospital, à quelques mètres à peine du site d’Union Carbide, où les files s’allongent devant les guichets : 4 000 patients seraient ainsi reçus chaque jour, estime un docteur orthopédiste. Néanmoins, le docteur en chef n’en démord pas : « De 1987 à 1989, 362 000 personnes ont été examinées, et 95 % d’entre elles soit n’étaient pas malades, soit l’étaient, mais temporairement. Ce sont les observations des docteurs. La perception des ONG est différente, mais leurs intérêts aussi. »

A visiter plusieurs quartiers proches du site d’Union Carbide, toutes les victimes rencontrées, sans exception, se plaignent pourtant toujours de douleurs épuisantes, de problèmes respiratoires, de maladies neurologiques, de dépressions... et de soins inefficaces. Le docteur Ohri a son idée sur la question : « Les gens vite fatigués ? Il arrive qu’avec des menstruations trop fortes, ou des infections rectales, les personnes se sentent en effet vidées... » Les problèmes respiratoires ? L’impossibilité d’effectuer des travaux lourds ? « Ils essaient d’attirer la sympathie, l’attention, en parlant aux journalistes. » Le docteur Ohri ne prononcera pas le mot « tricheur » ou « simulateur », mais l’insinuation est claire.

On le devine, le dialogue entre les victimes et les autorités indiennes, basé sur une telle défiance, se transforme dès lors en d’âpres négociations. Qui risquent malheureusement de se prolonger. En août 1999, le nom d’Union Carbide Corporation a disparu lorsque, rachetée pour 9,3 milliards de dollars, la multinationale a fusionné avec Dow Chemical (11). Ce coup de baguette magique entend faire disparaître toute personnalité juridique censée répondre des négligences mortelles qui ont provoqué la fuite de gaz. Pendant ce temps, une seconde génération de victimes voit le jour à Bhopal. Soit des enfants de la catastrophe, soit des victimes de l’eau, via le sol infesté de produits chimiques.

« L’usine a empoisonné le sol, non pas suite à la catastrophe de 1984, mais du fait de son activité quotidienne pendant des années, explique Mme Vinuta Ghopal, de Greenpeace India. Les rapports d’Union Carbide eux-mêmes suggèrent que la contamination est telle qu’il faudrait agir immédiatement. Des tests du gouvernement sont parvenus aux mêmes conclusions. » Des métaux lourds ont été décelés dans l’eau : zinc, cuivre, plomb, nickel, mercure, parfois à un niveau jusqu’à six millions de fois supérieur à la présence naturelle de ces éléments dans les sols (12). Ces métaux lourds ont aussi été retrouvés dans le lait maternel, macabre relais de souffrances entre les générations.

Vingt mille personnes sont ainsi exposées à l’eau empoisonnée. Le 7 mai 2004, la Cour suprême indienne a décrété qu’il fallait immédiatement les approvisionner en eau potable. Des réservoirs de 1 000 litres ont bien été installés le long des quartiers touchés, mais la logistique ne suit pas. A Atal Ayub Nagar, M. Moham Kumar boit l’eau tirée du sol contaminé : « Cela m’importe peu, je n’ai pas d’autre choix, l’eau des réservoirs est insuffisante. » M. Murlidhar-Sahu et sa famille évitent de faire de même, « mais, pendant la saison sèche, l’eau potable manque, et il faudrait alors marcher 2 à 3 kilomètres pour en obtenir ». A Nawab Colony, quartier pauvre parmi les pauvres, « cela fait trois mois que les réservoirs sont vides. Peut-être parce que les rues sont défoncées et que les camions ne peuvent pas arriver jusqu’ici ! ». Selon l’ONG Sambavna Trust, plus de 800 000 litres manquent chaque mois pour satisfaire les besoins fondamentaux des quartiers exposés.

Une coalition d’ONG locales et internationales a lancé la Campagne internationale pour la justice à Bhopal (ICJB), pour mettre un terme à cette lutte sans fin. Parmi leurs revendications, les victimes réclament l’extradition et le jugement de M. Warren Anderson, président d’Union Carbide Corporation au moment du drame. « Il a plus de 80 ans ? Et alors ?, s’exclame Nittin, qui avait 2 ans en 1984. Dans chaque maison, il y a un mort. C’était sa responsabilité d’éviter ce drame. » Pour M. Sattinah Sarangi, juger M. Anderson serait un signal fort aux entreprises à travers le monde.

Autre priorité de la campagne : la décontamination immédiate du site par Dow Chemical. Depuis vingt ans, l’épave de l’entreprise gît dans la ville comme une insulte aux survivants : une usine poubelle, rouillée, envahie par la végétation. Des sacs et des bidons éventrés traînent sur le sol tandis que des bacs à ciel ouvert portent la mention « Sevin Residue » - le Sevin étant le pesticide produit alors par Union Carbide. Plusieurs études, gouvernementales, d’ONG et de Dow Chemical, ont reconnu la haute pollution du site et, découlant de ce constat, l’empoisonnement de l’eau des nappes phréatiques avoisinantes. « Nous n’avons pas la technologie pour nettoyer ce site, précise Mme Vinuta Ghopal. Et pas question d’utiliser l’argent des compensations pour le faire. »

Enfin, la campagne demande une juste reconnaissance de toutes les victimes. Celles du gaz, bien sûr, mais aussi leurs enfants et, aujourd’hui, les victimes de l’eau. Tant sur le plan financier que social. Avec un suivi médical des nouvelles générations pour prévenir toute maladie génétique.

Dans ce combat des David contre le géant chimique, il ne fait pas de doutes que l’acteur à convaincre est l’Etat indien. Ambigu depuis vingt ans, il cherche à soigner son peuple tout en dédouanant la multinationale de ses responsabilités pour ne pas effrayer d’autres investisseurs. « Que signifie la croissance d’un pays si elle se bâtit sur la santé d’une population malade ?, s’insurge M. Sattinah Sarangi. L’Inde et la Chine sont les destinations favorites des entreprises chimiques. Leur nombre augmente trois fois plus en Inde que la moyenne internationale. Il est aujourd’hui potentiellement plus plausible d’avoir une catastrophe chimique qu’en 1984. D’ailleurs, fin août 2004, il y a eu un incident chimique à Eloor, et le gouvernement ne savait pas comment y répondre. Les sauveteurs sont d’abord venus avec des bandages. Pour une catastrophe chimique ! » Avec un sourire las, il ponctue : « Nous n’avons rien appris... »

Ce pourrait être l’amère conclusion du cas Bhopal. Mais Sattinah la refuse en bloc. « Nous sommes de plus en plus nombreux à lutter pour une réelle justice. » Mmes Rasheeda Bee et Champa Devi, deux porte-drapeaux des victimes, viennent d’ailleurs d’être récompensées cette année pour leur lutte par le Goldman Prize, considéré comme le prix Nobel de l’environnement. Mme Vinuta Ghopal décèle l’espoir de jours meilleurs dans cette détermination. « Ces militantes et bien d’autres sont un exemple, et ils démontrent qu’au bout du chemin il y a des victoires. Ils ont reçu des compensations parce qu’ils se sont battus. Et le combat se poursuit parce qu’ils gardent la flamme en vie. Je pense que ce 3 décembre 2004, c’est eux que nous célébrerons avant tout. »

Olivier Bailly.



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