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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

L’actualité et l’avenir du corps préfectoral (suite)

Source : ASMP (Académie des sciences morales et politiques)
- Paul BERNARD

La meilleure question est " quel Etat pour quelle société " ? La réponse est incertaine. L’avenir de la fonction préfectorale dépend essentiellement de la performance du service rendu aux citoyens et, de façon aiguë et urgente, de la réforme de l’Etat. En effet, de nos jours, si le représentant de l’Etat s’efforce d’accomplir sa mission, il ne pourra guère réussir tant qu’il servira un Etat sclérosé, rigidifié par statut, paralysé et divisé en lui-même, et incapable de se réformer. Il s’ensuit deux risques qui menacent le corps préfectoral, comme l’ensemble de la haute fonction publique : l’attraction du secteur privé et la politisation. Dans les deux cas, il s’agit du risque de la sélection naturelle par l’argent ou par le pouvoir.

La réaction qui s’impose passe par l’impératif de réforme et par le retour des valeurs de la république. En effet, le préfet se trouve trop souvent dans la position d’un Gulliver incapable de s’élancer comme il le voudrait, car il en est empêché par mille fils qui le tiennent attaché au sol.2.- L’exigence de la réforme concerne trois domaines solidaires : l’administration, le corps préfectoral, l’Etat.

a) La révolution administrative suppose un assouplissement des articulations et un retour à la justification de la fonction publique par le service du public et non l’intérêt du fonctionnaire.

La ressource humaine appelle une politique lucide et courageuse pour réduire le nombre et accroître la qualité. L’effectif de la fonction publique doit être allégé des bataillons d’agents qui pourraient correspondre aux délégations de l’Etat aux collectivités locales ou au secteur privé. Ceux qui resteraient attachés à l’Etat en raison de leur forte expertise gagneraient en considération et en rémunération. Les administrations centrales regroupées sur un plan interministériel n’auraient plus leur correspondance directe avec les services au niveau territorial. Il s’agirait d’un refonte des services en fonction des missions à accomplir.

Le renouvellement qualitatif ne sera efficace que si le mérite, " le talent et la vertu " et la vocation au service public sont les seuls critères de choix et de promotion. IL faut mettre un terme à l’emprise sur l’administration par une caste dirigeante issue des mêmes filières. A la limite, si la tendance persistait, on pourrait croire que c’est le bureau des anciens élèves de deux ou trois grandes écoles qui dirige l’administration française. Sinon, il faudra réfléchir au système américain qui repose sur une symbiose entre l’administration politique et l’entreprise privée.

Or la vocation de servir l’Etat et non les circuits du pouvoir, est à la source des vertus cardinales qui font encore l’honneur de la fonction publique française : l’impartialité, la neutralité, l’intégrité et le professionnalisme. Dans cet esprit, la reprise de confiance des citoyens dans leurs administrations passe par l’exigence d’un service minimum compatible avec le droit de grève.

L’ouverture des corps à l’interministérialité et les échanges entre secteur public et secteur privé seraient de nature à concevoir une mission commune des cadres dirigeants de la Nation, indépendamment des origines.

En effet, la panacée que paraissent constituer les nouvelles technologies d’information et de communication aura un effet limité dans la mesure où on confond le moyen de traitement par rapport à la finalité de l’administration et au contenu des informations. b) Le corps préfectoral ne saurait s’exonérer d’une reconstitution urgente de ses missions et de son comportement. Il s’agit bien de respiration et d’ouverture. Tout d’abord, il faut reconnaître au préfet la possibilité et même l’obligation de se comporter en acteur de la réforme, en expérimentant des formules novatrices, en utilisant la marge d’ajustement réglementaire, en regroupant les forces de l’Etat actuellement dispersées ou pulvérisées en une multitude de services. Il ne faut pas retrouver au plan territorial l’architecture administrative des ministères. Il importe de regrouper en quatre ou cinq grandes directions, autour de la Préfecture, Maison de l’Etat, les missions de sécurité et contrôle, de développement, de solidarité, de gestion de l’espace territorial.

La déconcentration doit être poussée dans sa logique pour faire du préfet le véritable représentant interministériel et donc le rattachement du corps préfectoral pour action, au premier ministre traduirait une réalité de fait, tout en maintenant la gestion des personnels auprès du ministre de l’Intérieur.

Il importe de veiller à préserver la professionnalisation de la représentation de l’Etat, meilleur antidote de la politisation menaçante. A cet effet, il sera nécessaire d’ouvrir plus largement encore l’accès au corps des sous-préfets à tous les volontaires des différents ministères, désireux d’accomplir une carrière interministérielle d’administration générale. L’accès au grade de préfet pourra intervenir dans une saine compétition ouverte à tous ceux qui ont fait leur preuve sur le territoire et pas seulement dans les cabinets ministériels. Il devrait en être de même pour les grands corps de contrôle ou les direction centrales. L’accueil et l’échange entre fonctionnaires et cadres privés pourraient favoriser un sang nouveau.

La déconcentration accentuée appelle une forte et systématique globalisation des crédits d’Etat, et une responsabilité soulignée pour mettre en œuvre les politiques publiques prioritaires et pour juger les hommes sur les résultats atteints. La fonction de contrôle de légalité reste primordiale et suppose la création d’une expertise juridique dans chaque préfecture. c) La réforme de l’Etat constitue le préalable à la réforme de l’administration, contrairement à la pratique gouvernementale faisant croire que des trains de mesures correctives de procédures peuvent tenir lieu de réformes de structure. C’est d’une complète recomposition qu’il s’agit et non d’une simple adaptation.

Le recentrage des missions sur un Etat essentiel répond d’une part à l’efficacité et à la performance d’un Etat territorial et partenarial, d’autre part à l’allégement d’une administration surdimensionnée qui est à l’origine de l’excès de prélèvements obligatoires par la voie fiscale. La baisse durable de la charge fiscale passe impérativement par la réduction des dépenses publiques, la baisse des impôts étant la conséquence et non l’objectif premier.

Deux moteurs de réforme doivent être accélérés. La déconcentration peut être utilisée comme un coin enfoncé dans l’appareil administratif et l’interminstérialité généralisée aboutira au regroupement des services et à la fongibilité de la ressource humaine autour des missions prioritaires. La décentralisation ne pourra être utilement accrue par transfert de compétence que si l’esprit de concours à l’intérêt national l’emporte sur l’esprit de clocher, si la réduction des cumuls clarifie les responsabilités nationales ou locales, si les niveaux territoriaux sont réajustés et spécialisés.

En effet, la carte administrative ne peut plus correspondre à un Etat moderne, membre de l’Union européenne. Il est d’abord souhaitable et possible de dissocier les circonscriptions de l’Etat et celles des collectivités locales.

Pour l’Etat, il est nécessaire de réviser la carte des sous-préfectures (depuis 1926), celle aussi des préfectures (200 ans) dont certaines pourraient être regroupées, et d’envisager la création de six grandes régions (selon les zones de défense) correspondant à l’aménagement du territoire à l’échelle européenne et pouvant accueillir les grandes directions ministérielles techniques, réparties sur le territoire. Pour les collectivités décentralisées, à défaut de pouvoir choisir entre les quatre niveaux, il conviendrait de les spécialiser : à la commune le terreau de la démocratie, à l’intercommunal la décision et la gestion opérationnelle, au département la gestion et la péréquation de certains services publics, à la région la stratégie du développement, en concertation contractualisée avec l’Etat. Osera-t-on trancher ce problème majeur lié au cumul des mandats dont le coût financier, psychologique, politique porte préjudice à la vie civique locale ?

En effet, il faudra surmonter l’absence de volonté politique et le corporatisme syndical. Ce sera un test de courage et de force républicaine. Il apparaît évident que le recours au peuple souverain par le référendum pourrait soulager la mauvaise conscience des milieux politiques qui se comportent en syndicats de défense des situations acquises.

De plus, l’approche territoriale d’expérimentation de réforme par les préfets serait une meilleure voie pour désamorcer le blocage syndical au niveau central. Le préfet est chargé de diriger les services de l’Etat, d’encourager la productivité, de regrouper les services, d’organiser la mobilité des agents. L’Etat territorial implique que le mouvement de réforme parte du terrain et mette un terme au parisianisme qui est le pire avatar du jacobinisme.3. L’enjeu des valeurs est au cœur de la réforme.

Il faut retrouver l’art de vivre en république. A cet égard, la relève des générations sera inévitable pour régénérer la vie publique. Le pouvoir politique, pollué par les aventures individuelles égocentriques et par la médiocrité des partis politiques en décomposition, est en train de glisser des mains du personnel politique. Les milieux socio-économiques ne l’ont pas encore saisi, ce qui explique l’absence de cap et de destin collectif. Le juge et le journaliste occupent le terrain en développant leur volonté de puissance sur la masse des citoyens, désorientés par les procès et intoxiqués par l’air du temps médiatique, aussi changeant que la météorologie.

Ainsi, de même que l’Etat a assemblé les provinces pour créer la Nation, de même notre Etat décentralisé et déconcentré pourra conduire la Nation en bon ordre vers l’Europe,. L’identité et l’unité de notre Etat-Nation pourront être conciliées avec le nécessaire élargissement de la souveraineté à l’échelle européenne des nouvelles libertés à conquérir.

Pour le corps préfectoral, on peut se demander ce qui peut encore faire courir préfets et sous-préfets, dans ce monde si incertain. La réponse est au niveau des valeurs de notre civilisation. Un triple tropisme encourage et soutient l’ardeur des représentants de l’Etat : le service de l’homme-citoyen, la promotion de l’intérêt général, le chantier de l’œuvre commune.

Il y a encore de beaux jours pour les jeunes générations qui privilégieront le service sur le pouvoir ou l’argent. Il faut avoir aussi conscience que, dans le monde, de nombreux pays, en recherche d’équilibre entre la liberté et l’unité, regardent du côté de l’expérience française pour ne pas subir, sans contrepoids, le modèle anglo-saxon du " prêt-à-administrer ". Pour la France, on peut douter que l’institution préfectorale ait favorisé le bonheur des Français, mais on peut être certain que sa suppression ne serait pas indifférente à leur malheur !

En conclusion, on peut penser que nous vivons une époque de transition, la décomposition apparente ne doit pas occulter les germes de renouveau qui peinent à traverser la croûte de nos institutions vieillies. La prétention des réformes institutionnelles ne peut pas faire l’économie du changement des comportements. Le conseil de Montesquieu nous rappelle l’esprit général d’une société : " Lorsque l’on veut changer les moeurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois, il vaut mieux les changer par d’autres moeurs et d’autres manières ". S’agit-il d’une utopie de plus pour notre temps impossible ? Le Cardinal de Retz nous aide à réfléchir : " Toutes les grandes choses qui ne sont pas exécutées paraissent impraticables à tous ceux qui ne sont pas capables de grandes choses.

Paul BERNARD



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