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Ethique planétairePar Hans Küng. Théologien catholique progressiste allemand. 25/06/2003 Hommes et femmes de cultures et de régions diverses de cette planète, nous voulons exprimer une conviction que nous partageons : Tous, nous portons la responsabilité d’un meilleur ordre mondial. Il est absolument nécessaire que nous nous engagions au service des droits humains, de la liberté, de la justice, de la paix. * La diversité de nos traditions culturelles ne saurait nous empêcher de nous dresser ensemble activement contre toute forme d’inhumanité et de promouvoir plus d’humanité. * Les principes que je vais énoncer peuvent être affirmés par tous les êtres humains qui sont animés d’une éthique, qu’elle soit basée sur une religion ou non. Nous sommes convaincus que l’humanité sur notre planète forme une seule famille. Pour cette raison nous rappelons la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclamée par les Nations Unies en 1948. Ce que ce texte a solennellement proclamé au plan du droit, nous voulons ici le confirmer et l’approfondir au niveau de l’éthique : la pleine réalisation de la dignité intrinsèque de la personne humaine, sa liberté inaliénable, le principe de l’égalité de tous les humains, la solidarité indispensable et l’ interdépendance mutuelle de tous. Aujourd’hui comme par le passé, partout sur la planète des êtres humains sont encore traités de façon inhumaine. Ils sont privés de leurs chances existentielles et de leur liberté ; leurs droits de l’homme sont foulés aux pieds et leur dignité n’est pas respectée. Mais la puissance n’est pas le droit ! Face à tout comportement inhumain, nos convictions éthiques exigent : toute personne humaine doit être traitée humainement ! Qu’est-ce à dire ? Sans considération d’âge, de sexe, de race, de couleur de la peau, d’aptitude physique ou mentale, de langue, de religion, d’orientation politique, d’origine nationale ou sociale - toute personne humaine possède une dignité inaliénable et inviolable. Tous sont donc obligés, les individus comme les Etats, de respecter et de protéger cette dignité. En matière économique ou politique, dans les médias, les instituts de recherche et les entreprises industrielles, l’être humain sera toujours considéré comme le sujet de droits et comme une fin en soi, jamais comme un simple moyen ou un objet au service du commerce et de l’industrie. Un principe s’est maintenu depuis des millénaires dans beaucoup de traditions culturelles et éthiques de l’humanité ; c’est la « règle d’or » : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on fasse à toi. Ou, exprimée de façon positive : Agis à l’égard des autres comme tu souhaites qu’on agisse à ton égard ! Cela devrait être la norme irrévocable et absolue pour tous les domaines de la vie, pour les familles et les collectivités, les races, nations et religions Ce principe contient des critères très concrets auxquels nous devons rester fidèles. Quatre très anciennes lignes directrices en découlent, qui se retrouvent dans la plupart des cultures. 1.L’engagement en faveur d’une culture du respect de la vie. La personne humaine est infiniment précieuse : elle doit être absolument protégée. 2. L’engagement en faveur d’une culture de la solidarité et d’un ordre économique juste. S’il s’agit d’améliorer le sort des milliards de pauvres sur la planète, et notamment des femmes et des enfants, il faut restructurer l’économie mondiale dans le sens de plus de justice. Pour indispensable qu’ils soient, les projets d’aide ponctuelle et la bienfaisance des individus isolés ne peuvent suffire. Il faut la participation de tous les Etats et l’autorité des organisations internationales pour bâtir des institutions économiques justes. 3. L’engagement en faveur d’une culture de la tolérance et d’une vie véridique. Il est des scientifiques et des chercheurs qui se font les otages de programmes idéologiques ou politiques, ou de groupes dirigés par l’intérêt économique, dont on peut questionner la moralité ; ou qui justifient des recherches lésant des valeurs éthiques fondamentales. 4. L’engagement en faveur d’une culture de l’égalité des droits et du partenariat entre les sexes le monde d’aujourd’hui est encore plein de formes condamnables d’une mentalité patriarcale, de la domination d’un sexe sur l’autre Hans Küng
D’autres extraits...1 Depuis la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis représentent la plus importante puissance économique, politique et militaire du monde occidental ; ils ont remporté la victoire dans la rivalité bipolaire et la guerre froide avec l’Union soviétique : l’esprit de la démocratie et les idéaux de la liberté et de la tolérance se sont avérés plus forts que toutes les dictatures, brunes, rouges ou noires. L’Amérique du Nord dispose encore d’un immense potentiel économique, politique, éthique aussi. Mais les amis de l’Amérique eux-mêmes ne peuvent se dispenser de cette autre prise de conscience : l’idéologie des néocapitalistes de Wall Street, celle du greed, avidité, de l’insatiable rapacité, omniprésente dans les années quatre-vingt, s’est elle aussi révélée sans avenir et même fatale pour les Etats-Unis et leur sphère d’influence. Get rich, borrow, spend and enjoy : devenez riche, empruntez, dépensez et jouissez ! ... Projet d’éthique planétaire, p. 27 2 La confiance aveugle dans le pouvoir autorégulateur du marché (comme en Occident) n’est pas plus justifiée que celle mise dans la planification d’Etat (comme dans les pays de l’Est). Les lois de l’offre et de la demande ne conduisent pas automatiquement à l’équilibre. L’analyse de marché ne peut pas remplacer la morale. Et il est réjouissant de constater qu’aux Etats-Unis mêmes des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour mettre en garde contre la politique de la selfishness, le me-ism (repli sur soi), le yuppiegreed et la mentalité de casino qui règne dans les bourses, pour mettre en garde contre la conspicuous consumption (consommation voyante) d’une riche minorité et les primes exorbitantes dont bénéficie la nomemklatura de l’économie américaine. Ibidem, p. 28 3 Certes tous les Etats du monde ont leur réglementation économique et juridique, mais dans aucun Etat du monde elle ne fonctionnera sans consensus éthique, en l’absence d’ethos de leurs citoyens et citoyennes, ethos qui donne vie à l’Etat démocratique de droit. La société internationale des nations elle-même s’est déjà dotée de structures juridiques transnationales, transculturelles, transreligieuses (sans les quelles les contrats internationaux seraient pure illusion). Mais qu’est-ce qu’un ordre du monde sans un ethos liant obligatoirement toute l’humanité, sans un ethos planétaire - en dépit de toutes les contingences de temps ? ... Si nous voulons qu’elle fonctionne pour le bien de tous, l’éthique doit être indivisible. Le monde indivisible a de plus en plus besoin d’un ethos indivisible ! L’humanité postmoderne a besoin de valeurs, de perspectives, d’objectifs, d’idéaux communs. Ibidem, p. 67 (Hans Küng distingue entre l’"ethos", qui est l’attitude morale fondamentale de l’homme (morale individuelle), et l’"éthique", qui est la doctrine philosophique et théologique relative aux valeurs et aux normes guidant nos décisions (morale sociale)). Hans Küng
Préambule, suite :
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