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La consommation éthique et bio est-elle une affaire de bobosDis-moi comment tu achètes...
Source : Action Consommation 10 février 2005 La consommation éthique et bio est-elle une affaire de « bobos » ? Non, répond l’association Action consommation. Elle milite pour que tous aient accès aux produits de qualité, et veut éduquer à l’acte d’acheter. La question valait la peine d’être posée : peut-on demander à tous, et même aux plus précaires, de consommer de manière responsable ? C’est-à-dire de manière engagée, réfléchie et saine... Les responsables de l’association Action consommation ont voulu poser cette épineuse question. Pour cela, ils ont fait appel à l’association Agir contre le chômage (AC !), au réseau Stop précarité et à la Confédération paysanne, au cours d’un débat à la Bourse du travail de Saint-Denis, en région parisienne, le 20 janvier. D’emblée, Sabine Lasnier, d’AC ! Île-de-France, avoue son scepticisme : « Le RMI, c’est 425 euros par mois ; dans de telles conditions, consommer responsable me paraît très difficile. L’exclusion, c’est aussi une exclusion de la consommation. Bien sûr, un chômeur ou un RMiste préféreraient manger un bon poulet bio qu’un poulet en carton de la grande distribution. Mais ils ne sont pas dans le débat sur la qualité alimentaire. Ils sont trop souvent dans la survie. » Yann Fiévet, vice-président de l’association Action consommation, l’admet volontiers : « On s’attaque à une question difficile : les idées de consommation responsable et de précarité peuvent paraître antinomiques. Mais faut-il se satisfaire de cette vision commune ? D’autant que le nombre des personnes en situation de précarité ne cesse de s’accroître, quand on incite à consommer davantage encore. » Pour Bernard Hasquenoph, du réseau Stop précarité, qui réunit notamment des salariés de McDo et de Pizza Hut, la notion de consommation responsable est indissociable d’une éducation à l’acte d’acheter. L’apprentissage, pour les membres du réseau, a commencé lors des grèves au McDo de Strasbourg-Saint-Denis, à Paris, en 2003. José Bové et des membres d’Attac, venus soutenir les grévistes, ont évoqué le problème de la malbouffe. « Au début, le contact fut difficile : les collègues hallucinaient quand José Bové ou d’autres leur disaient que la nourriture McDo était de la merde ! Les salariés de McDo étaient jusqu’alors fiers de leur enseigne, fiers de préparer et de manger du McDo. Même s’ils étaient conscients des problèmes d’hygiène, et donc de la qualité de la nourriture qu’ils servaient ! » Cette confrontation a aussi permis à ces jeunes salariés de prendre conscience de la « culture de marques dans laquelle ils baignent tous ». Baskets Adidas ou Nike payées près de 100 euros, joggings Reebok ou pantalons Levi’s : leur panoplie vestimentaire est imprégnée de cette « consommation pour l’image », comme la nomme Véronique Gallais, présidente d’Action consommation. Pour Bernard Hasquenoph, c’est dans ce domaine que les jeunes précaires ont encore du chemin à faire. Résister aux diktats de la mode lors de l’acte d’achat n’est pas évident. « C’est un travail à faire sur le long terme. C’est de l’information sur la consommation. Nos militants ont bien compris que les grandes marques ont souvent une politique injuste en matière salariale ou de droit du travail, notamment dans les pays pauvres, et qu’en achetant leurs produits on cautionne d’une certaine manière ces pratiques. » Pour Hubert Caron, secrétaire national de la Confédération paysanne, il revient aussi au consommateur de soutenir par son geste d’achat tel ou tel producteur. Une manière pour lui de rappeler que, sans l’engagement des consommateurs, l’agriculture paysanne est en danger. « 40 % des paysans n’atteignent pas le Smic. Avec d’un côté la pression de l’agroalimentaire, et de l’autre celle de la grande distribution, un paysan disparaît toutes les trois minutes en Europe >> . Face à ces pressions économiques, le paysan doit se battre à la fois pour un revenu digne et pour une production de qualité. Aux consommateurs de financer l’agriculteur qui produit des aliments sains à des prix satisfaisants. Pour cela, « il faut réduire le plus possible le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur ». Ce qui a l’avantage de faire baisser les prix. Hubert Caron évoque ainsi la mise en place d’un grand marché paysan à Paris (voir Politis n° 810), où de nombreux chômeurs et précaires avaient pu faire leurs courses sans débourser plus qu’à l’hypermarché. Le goût en plus... Aline Chambras « Une arme politique » Présidente et cofondatrice d’Action consommation, Véronique Gallais explique en quoi nos achats constituent un pouvoir. Depuis quand parle-t-on de consommation responsable ? Véronique Gallais : L’idée de consommation engagée ou responsable est assez récente ; c’est un thème qui se développe depuis la fin du XXe siècle et qui va de pair avec les mouvements écologistes, antipub et de solidarité. Pour certaines personnes, se concentrer sur la consommation reste un truc de femmes ! C’est assez révélateur... Quoi qu’il en soit, je pense que la consommation responsable est une réflexion essentielle car l’explosion de la société de consommation a éloigné les travailleurs des mobilisations collectives. Je crois que le mouvement ouvrier s’est pris au piège de la consommation. On peut parler de fonction dépolitisante de la consommation. En quoi consiste la consommation responsable ? C’est d’abord se demander, sans prôner l’austérité, si nous avons vraiment besoin de tout ce que nous achetons. C’est ensuite agir par la consommation. Et agir pour consommer autrement. C’est-à-dire rester vigilant sur ce que finance l’argent que nous donnons en échange de biens et de services, et exercer une pression économique « par le bas » en complément des pressions législatives et réglementaires fonctionnant « par le haut ». C’est une réponse de citoyen à un monde économique et politique qui ne voit plus dans les êtres humains que des consommateurs. Un changement d’organisation ne pourra avoir lieu par le seul avènement de législations contraignantes (taxe Tobin, contrôle citoyen des instances de régulation) si nous continuons de soutenir au quotidien les pratiques sociales, économiques et environnementales contre lesquelles nous luttons par ailleurs, si nous ne modifions pas nos modes de consommation pour être cohérents dans notre démarche et faire pression sur les entreprises. C’est aussi là qu’il faut se réapproprier une part de décision sur l’avenir de notre monde. La consommation responsable devient action collective par la somme des actions individuelles, dans un souci constant de cohérence entre nos utopies et nos actes. Donner du pouvoir à son porte-monnaie, n’est-ce pas quelque peu dangereux ? Bien sûr. Mais il ne s’agit pas seulement de donner du pouvoir à son argent, plutôt de réaliser des choix de consommation et de regarder plus loin. Il ne s’agit pas simplement d’exercer un pouvoir citoyen par le pouvoir d’achat. Ce qui ne serait pas démocratique : plus on a d’argent, plus on aurait de pouvoir. Il s’agit plutôt de se réapproprier la responsabilité de notre argent, d’acheter non plus seulement en fonction de prix ou des caractéristiques d’un produit, mais en fonction de critères plus globaux comme la qualité sociale ou environnementale du produit. Et de s’impliquer au-delà de la consommation. La consommation responsable, c’est la prise de conscience de l’interdépendance forte qui existe entre nos achats et ce qui se passe dans le monde. C’est une véritable arme politique à condition qu’elle aille de pair avec une conscience politique. Propos recueillis par Aline Chambras Quelques conseils : se méfier des prix trop bas et rechercher les prix justes ; - privilégier les achats de proximité ; - privilégier les aliments issus de l’agriculture biologique, dont le mode de production proscrit l’utilisation de substances chimiques ; acheter les articles du commerce équitable quand il s’agit d’importations des pays du Sud ; - rester vigilant sur la composition des aliments industriels, lire attentivement les étiquettes (OGM, etc.) ; - éviter les plats préparés et les produits composés ; - privilégier les biens durables plutôt que des produits peu chers, qui devront être remplacés rapidement ; éviter les dispositifs promotionnels qui poussent à acheter et créent des engagements (crédit à la consommation, cartes de crédit de marques, cartes de fidélité) ; - choisir les instituts bancaires et les formules de placement alternatifs ; voyager sans rechercher nécessairement la destination la plus lointaine et la plus exotique, privilégier la découverte et la rencontre avec les habitants du pays, en respectant la nature, etc. ; - favoriser les structures indépendantes (cinémas, librairies, etc.). 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