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Sarkozy en Afrique : déconstruction

Source : Blog Paul Moreira / 26.08.2007

Je reviens d’un voyage en Afrique. Le continent de l’absolue grâce humaine, des taxis-brousse où, quand c’est complet, on trouve encore de la place, et des interminables routes à nids de poule. A mon retour je découvre le discours que Henri Guaino, le scribe du président, a écrit pour Sarkozy et que celui ci a prononcé à Dakar fin juillet devant des étudiants sénégalais. Il semblerait que les intellectuels Africains n’aient pas apprécié... Sans blagues ?...

Passons sur le ton qui navigue entre lyrisme éméché -ô combien l’art et la musique doivent à l’Afrique (il oublie le foot et le basket)-, les considérations de conférence de salle Pleyel (trois fois le mot mystérieux pour qualifier le continent venu de la nuit des temps...) et le paternalisme condescendant (Guaino a l’age d’avoir découvert l’Afrique dans Tintin au Congo). La générosité du verbe de Jacques Chirac a laissé place à la nouvelle vulgate sarkozyste : pas de repentance, débrouillez vous si vous voulez vous en sortir, c’est pas de notre faute ce qui vous arrive.

A la lecture attentive du discours, le plus frappant c’est la morgue et l’ignorance historique, étalée avec des mots définitifs.


« La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution. »

Mr Guaino semble oublier combien de dictateurs sanglants et corrompus nous, l’occident, avons installé, protégés, choyés. Prenons en un seul : Mobutu, au Congo, l’un des pays les plus riches en minerai. La pollution ?... Nous n’avons aucune responsabilité. Sauf peut-être dans les 16 morts dus à des déchets toxiques en Côte d’Ivoire l’année dernière ?... Mais le plus audacieux arrive en milieu de texte (est-ce que le président Sarkozy relit ses discours ou est ce qu’il les découvre à la tribune ? parfois je me demande...)

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. »

Commencer une phrase par jamais ou toujours, c’est payant à une tribune. Mais c’est dangereux. Jamais et toujours ouvrent souvent sur des stupidités, le problème, c’est quand on n’est pas au bistrot mais devant un public susceptible et informé comme le sont les jeunes étudiants sénégalais...

Donc, pour Mr Guaino, l’Africain est un brave homme assis devant sa case à attendre que la mangue tombe de l’arbre. Pas de place pour l’aventure humaine ou l’idée de progrès... Mr Guaino l’ignore peut-être mais les Africains ont nourri parmi les mouvements de libération nationaux les plus courageux de ce siècle. Et qu’à chaque fois que des nationalistes ont tenté d’inscrire l’Afrique dans « l’histoire » nous avons été là pour leur rendre la tâche difficile.

Le congolais Patrice Lumumba, assassiné avec le soutien actif de la CIA.

Le bissau-guinéen Amilcar Cabral, assassiné par les portugais.

Le sud africain Nelson Mandela qualifié de terroriste par Mme Thatcher, le premier ministre anglais. Et ce au moment même où elle recevait le fasciste islamiste afghan Gulbudyn Hekmatyar avec tous les honneurs dus à ce « combattant de la liberté » (Hekmatyar était connu à l’université de Kaboul pour vitrioler les filles sans voile). Nelson Mandela a non seulement inscrit son pays dans le progrès mais il a évité un bain de sang après un demi siècle d’un régime barbare et néo-nazi, soutenu jusqu’à très tard par toutes les démocraties occidentales.

Je pourrais continuer d’aligner des faits, les uns derrière les autres (c’est étrange comme les faits font tâche dans les discours idéologiques). Le discours de Guaino semble vaguement calqué sur le pamphlet de l’intellectuel néo-sarkozyste Pascal Bruckner, « le fardeau de l’homme blanc ». Ce livre visait à déculpabiliser l’occident de ses crimes en Afrique, notamment.

On pourrait recommander à Mr Guaino la lecture d’un véritable spécialiste de l’Afrique, Basil Davidson. Cet ancien officier de l’armée britannique s’est passionné pour le continent noir. Il a écrit des dizaines d’ouvrages. Il procède avec cet empirisme, ce souci méticuleux des faits qui est la force des anthropologues et des intellectuels anglo-saxons. Il explique très bien comment le colonialisme a brisé ce qui aurait pu être une forme originale d’état africain, celle des Asante au Ghana. Le fardeau de l’homme noir, pour lui, sont les Etats Nations tels qu’ils existent aujourd’hui. Générateurs de corruption et marqués par le lien colonial.

« Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. »

Comment ne pas partager au moins cette vision de notre président. Mais avant de donner des conseils ou des leçons à l’Afrique, essayons de faire notre part. Des petites choses simples qui devraient relever du bon sens pragmatique comme l’aime notre président. Ne pas ouvrir les bras aux présidents kleptocrates, par exemple. Mettre notre nez dans leurs immenses fortunes accumulées sur le dos de leurs peuples lorsqu’elles se trouvent sur notre territoire. Ne pas permettre que nos banques les aident à dépouiller leurs pays. Je crois que certaines ONG ont déposé une plainte pour recel contre un certain nombre de chefs africains. L’enjeu est de créer un surmoi planétaire (et alors là, oui, vive la mondialisation) pour que ces hommes ne puissent plus piller ainsi leurs propres pays avec notre aide.

Mr Guaino, conseillez donc au président Sarkozy de suivre le dossier. Ou à Cecilia, s’il est débordé...



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