Articles les plus visités
|
La Cour Pénale Internationale et les ONGSource : CPI / septembre 2004 Au cours de nombreux conflits, à travers le monde, des forces armées nationales ou des groupes rebelles attaquent des civils ordinaires et se livrent à leur encontre à de graves violations des droits humains. Souvent, ces crimes restent impunis par les tribunaux nationaux. Mais depuis juillet 2002, nous disposons d’un tribunal international pour ce type de crimes. La Cour Pénale internationale (CPI) est un tribunal international permanent créé pour poursuivre les crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes de guerre. La Cour Pénale Internationale, basée à La Haye, aux Pays-Bas, est actuellement en train d’enquêter sur ses premières affaires. La République démocratique du Congo (RDC) sera le premier pays où les graves crimes commis seront poursuivis par la Cour Pénale Internationale. Le 23 juin 2004, le Procureur de la Cour, Louis Moreno Ocampo, a annoncé l’ouverture des sa première enquête, en RDC, portant sur des crimes commis depuis juillet 2002. Cette annonce constituait une réponse au renvoi de la situation dans ce pays à la CPI, par le gouvernement de RDC, en mars 2004. Le Bureau du Procureur a mené une « analyse préliminaire » de la situation en RDC, concentrée dans un premier temps sur la province de l’Ituri, dans le nord-est, « en raison de l’urgence particulière » de la situation dans cette région. En janvier 2004, le gouvernement ougandais a déféré à la Cour Pénale Internationale la situation créée par la rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Lors d’une conférence de presse, le Procureur de la Cour a expliqué qu’en effet, la LRA avait commis de graves crimes contre les civils et que la Cour allait examiner ce cas sérieusement. Après cela, le 29 juillet 2004, le Procureur a annoncé que la Cour va commencer une enquête en Ouganda. Les organisations non gouvernementales (ONG) congolaises et ougandaises peuvent jouer un rôle décisif en coopérant avec la Cour Pénale internationale. Ce guide répond à quelques-unes des questions les plus fréquemment posées à propos de la Cour. En particulier, il entend expliquer comment les ONG peuvent contribuer aux travaux de la Cour dans la poursuite, au plan international, des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide. Toutefois, ce guide ne fournit pas de commentaire juridique ni de définition exacte des crimes poursuivis par la CPI, ni ne détaille l’histoire de la Cour Pénale Internationale. Comment les organisations non gouvernamentales peuvent-elles cooperer avec la cour ? L’interactivité entre les ONG et la CPI ... Quel rôle peuvent jouer les ONG face à la Cour ? Les ONG peuvent jouer un rôle central avant, pendant et même après une enquête. Leurs contributions peuvent se répartir en trois catégories : Informer le public de l’existence de la Cour Les ONG peuvent jouer un rôle important en informant les médias et le public en général du rôle de la CPI. Elles peuvent le faire en utilisant la radio, les prospectus, les affiches, les conférences et en organisant des sessions d’information. Elles peuvent utiliser le matériel d’information produit par la Cour elle-même ou ce guide. Fournir des informations à la Cour Les ONG peuvent informer le Bureau du Procureur des crimes commis, d’une affaire spécifique, du contexte politique et historique de violation des droits humains, ou de la capacité ou de la volonté d’un Etat à enquêter ou à poursuivre des crimes. Cette information notamment peut aider le Procureur à décider s’il y a lieu ou non d’ouvrir une enquête. Servir d’intermédiaire entre la Cour et les victimes et témoins Les ONG sont souvent proches des victimes et des témoins. Elles peuvent donc jouer un rôle important en accompagnant les victimes et les témoins tout au long du processus et en apportant des preuves au Bureau du Procureur. Elles peuvent informer les victimes et les témoins des procédures suivies par la CPI et préparer leur travail avec la Cour, par exemple en leur expliquant les risques pour leur sécurité, en les aidant à mener une action collective et en mettant en forme les informations disponibles de manière à les rendre facilement utilisables par le Bureau du Procureur. Comment les ONG peuvent-elles soumettre des informations à la Cour ? Habituellement, les personnes extérieures à la Cour peuvent contacter le Bureau du Procureur plutôt que tout autre organe de la CPI. Elles peuvent envoyer des informations sur un grand nombre de thèmes, comme expliqué plus loin. Parfois, les ONG peuvent envoyer directement des informations à d’autres organes de la Cour. En particulier, elles peuvent adresser leurs conclusions à n’importe laquelle des Chambres dans un document légal appelé un Amicus Curiae. Les ONG peuvent aussi s’adresser directement à la Cour pour représenter des victimes. En outre, les ONG peuvent aussi demander à participer aux procédures quand elles ont elles-mêmes été victimes des crimes commis. Enfin, les ONG peuvent représenter des victimes qui souhaitent adresser des informations en rapport avec la décision du Procureur de ne pas enquêter sur une affaire. Les ONG peuvent également adresser des informations sur une affaire à un gouvernement dont l’Etat est partie au traité de Rome, ou même au Conseil de sécurité de l’ONU et leur demander de soumettre cette affaire à la Cour. Les ONG peuvent-elles aider à lancer une procédure devant la Cour ? Oui. Les ONG publient régulièrement des rapports sur les crimes commis à l’encontre des droits humains qui pourraient tomber sous la compétence de la Cour Pénale internationale. Si les ONG pensent que les abus sur lesquels elles ont enquêté sont suffisamment graves pour mériter une enquête de la Cour, elles doivent adresser au Procureur des rapports solidement documentés sur ces crimes. Les rapports des ONG ont déjà joué un rôle important en inspirant l’enquête sur la RDC. Le procureur a reçu six communications concernant la situation en Ituri, parmi lesquelles « deux rapports détaillés émanant d’organisations non gouvernementales ». A l’évidence, ces rapports ont convaincu le procureur d’évoquer la situation en Ituri comme « d’un caractère d’exceptionnelle gravité ». Cependant, les ONG doivent s’abstenir d’adresser au Bureau du Procureur chaque élément d’information dont elles disposent, afin d’éviter de submerger le Procureur et de risquer qu’il accorde moins d’attention aux rapports qu’il recevra. Quel type d’informations les ONG doivent-elles adresser au Procureur ? Les ONG peuvent adresser des informations sur les crimes qui concernent des cas individuels ou répertoriés, en fournissant le plus de détails possible. En outre, les rapports des ONG peuvent expliquer le contexte politique et historique des crimes qui font l’objet d’une enquête en cours afin de permettre au Procureur une meilleure compréhension de la situation. En établissant un rapport sur la capacité ou la volonté d’un Etat à enquêter ou à poursuivre des crimes, les ONG peuvent également aider le Procureur à déterminer si l’affaire relève bien de la compétence de la Cour ou si elle doit être laissée aux tribunaux nationaux. Les ONG peuvent aussi informer le Procureur de la faisabilité, au plan pratique, des investigations. Il n’est pas possible de dresser ici la liste complète de toutes les informations que les rapports des ONG devraient inclure, mais quand une ONG adresse des informations sur des crimes commis en violation des droits humains, celles-ci doivent absolument comprendre les éléments suivants : • La situation géographique (en RDC : la province, le territoire, la collectivité, le groupement ; en Ouganda : le district, le comté, le sous-comté ou canton) • La date, l’heure et la durée de l’incident • La chronologie de l’incident • La nature du crime (torture, viol, homicide...) et les moyens utilisés • Les raisons possibles de l’incident • Identifier les auteurs présumés (l’armée, un groupe armé ou les individus impliqués) • L’identité des victimes (nom, âge, sexe, profession, adresse, informations pertinentes sur l’ethnie, la religion ou autre appartenance communautaire) • Une liste des preuves disponibles comme des photos, des preuves écrites. Cependant, n’envoyez PAS les preuves elles-mêmes, à moins que le Procureur en ait fait la demande. Quand elles envoient des informations à la Cour, les ONG doivent toujours s’assurer de garder en leur possession une copie de la communication. Que doivent faire les ONG des autres preuves dont elles peuvent disposer (photos, films, documents, certificats médicaux ou même objets) ? Elles doivent fournir au Bureau du Procureur une liste de toutes les preuves en leur possession et garder celles-ci en sécurité jusqu’à ce que le Bureau se manifeste. Elles ne doivent pas envoyer les preuves elles-mêmes à moins que le Procureur ne le demande pour ne pas risquer qu’elles se perdent, soient endommagées ou disséminées. Les ONG doivent-elles travailler comme des enquêteurs ? Non. Les ONG peuvent fournir les informations sur les crimes qu’elles ont rassemblées au cours de leur travail habituel. Elles ne sont pas supposées se conduire comme des « mini-procureurs ». Il revient au seul Bureau du Procureur de dégager des preuves solides pouvant être présentées à la Cour. Les ONG doivent-elles respecter certaines formes quand elles envoient des informations au Bureau du Procureur ? Non. Les ONG peuvent adresser leurs propres rapports au Procureur et n’ont pas besoin de remplir des formulaires ou autres formalités. Cependant, comme mentionné plus haut, ces rapports doivent toujours comprendre des informations précises. Les ONG recevront-elles une réponse du Bureau du Procureur quand elles envoient des informations ? En principe, le Bureau du Procureur doit envoyer une réponse à toutes les communications reçues, ne serait-ce que pour en accuser réception. Mais en pratique, il est possible qu’il n’ait pas toujours la capacité de le faire. Le Bureau du Procureur se contentera sans doute de recevoir l’information et de l’utiliser à sa guise, à moins qu’il n’ait des questions spécifiques à poser à l’ONG. Dans ce cas, le Bureau du Procureur entrera en contact avec l’ONG en question. Les ONG qui adressent des informations au Procureur doivent s’abstenir de susciter de trop grands espoirs chez les victimes ou autres témoins, dans la mesure où elles ne peuvent savoir quelle sera la réponse du Procureur. Le Procureur peut tout aussi bien décider de ne pas aller au-delà, prenant en compte une multitude de facteurs. Comment les ONG peuvent-elles communiquer une information par la procédure Amicus Curiae ? Outre les informations factuelles que les ONG peuvent adresser à la Cour, elles peuvent aussi lui soumettre des analyses juridiques ou un argumentaire politique par la voie d’un Amicus Curiae (littéralement : Ami de la Cour), document judiciaire accepté par l’une des Chambres de la Cour. Une Chambre peut alors inviter un Etat, une organisation ou un individu à lui adresser une déclaration écrite sur un sujet particulier. L’Amicus Curiae peut être préparé par une organisation qui a une connaissance particulière du sujet. Elle le présente alors de façon concise et émet des suggestions à la Cour sur la manière de régler le cas. L’Amicus Curiae donne aux ONG l’occasion d’être entendues sur de nombreuses questions pratiques ou juridiques, telle que la compétence des tribunaux nationaux à poursuivre une affaire. Les ONG peuvent aussi contacter une Chambre et lui proposer de lui adresser un Amicus Curiae. Les représentants ou les membres d’une ONG peuvent-ils être appelés à témoigner ? Oui. Le Procureur ou les avocats de la défense peuvent appeler qui ils veulent à témoigner devant la Cour. Les ONG peuvent avoir à répondre à des questions sur les informations qu’elles ont réunies au cours de leurs recherches concernant les crimes et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. Ces témoignages pourront inclure des éléments d’information rassemblés par les chercheurs et qui n’avaient pas été rendus publics auparavant et les ONG peuvent être forcées à révéler des informations qu’elles entendaient garder confidentielles. La Cour ne pourra poursuivre qu’un nombre limité de cas : qu’est-ce ça signifie pour les ONG ? Parce que la Cour ne poursuivra qu’un petit nombre d’affaires, les ONG doivent réfléchir à leur stratégie pour ne soumettre que les cas plus importants et ne pas s’attendre à ce que « leur » affaire soit systématiquement l’objet de poursuites. Quand c’est possible, les ONG doivent se coordonner entre elles pour décider de pousser ensemble une affaire ou une situation particulière. Les ONG doivent-elles n’envoyer que des documents concernant les zones sur lesquelles le Procureur a exprimé un intérêt particulier - Ituri en RDC et nord de l’Ouganda ? S’agissant de la RDC, la Cour risque de se concentrer pour un temps sur l’Ituri. Mais ceci ne signifie pas que les ONG doivent limiter leurs contributions à la seule Ituri. Quand le Procureur a annoncé l’ouverture d’une enquête en RDC en juin 2004, il a clairement indiqué que ses investigations couvriraient l’ensemble du territoire de RDC. Si les ONG disposent d’informations pertinentes sur des crimes commis dans d’autres régions de la RDC, elles doivent donc les adresser au Bureau du Procureur. En Ouganda, le Procureur se concentrera sur le nord du pays à la demande du gouvernement ougandais. Par conséquent, les ONG doivent envoyer des informations concernant les crimes commis par toutes les parties en relation avec le conflit dans le nord de l’Ouganda. La Cour interviendra-t-elle au nom des défenseurs des droits humains qui sont menacés, arrêtés ou en danger parce qu’ils lui ont adressé des informations ? Les ONG ne doivent pas attendre de protection de la part de la Cour. La CPI prendra toutes les mesures possibles pour garantir la sécurité de ceux qui lui viennent en aide mais elle ne sera pas capable de protéger toutes les personnes lui communiquant des informations. Les défenseurs des droits humains doivent donc mettre en place leur propre stratégie de protection et ne pas attendre d’aide de la Cour. Néanmoins, il sera important d’informer la Cour de toute agression contre les défenseurs des droits humains résultant de leur contribution à l’information de la Cour. L’assistance des ONG aux victimes et aux témoins Que peuvent faire les ONG pour assister les victimes et les témoins auprès de la Cour ? Les ONG peuvent servir de lien entre les victimes et les témoins et la Cour : • Elles peuvent envoyer à la Cour les informations recueillies auprès des victimes et des témoins • Elles peuvent informer les victimes et les témoins des différentes possibilités de participer aux travaux de la Cour et les aider à y prendre part • Elles peuvent aider les victimes et les témoins à obtenir une représentation juridique • Elles peuvent représenter les victimes à toute étape du procès • Elles peuvent aider les victimes et les témoins à se regrouper • Elles peuvent aider les victimes à obtenir réparation • Elles peuvent informer les victimes et les témoins des risques pour leur sécurité et les aider à prendre des précautions Qui sont les victimes et les témoins selon la Cour ? Les statuts de la Cour définissent les victimes comme des « personnes qui ont eu à souffrir de la commission de tout crime entrant dans la juridiction de la Cour ». Des organisations comme les ONG qui ont eu à « souffrir directement » peuvent aussi être des victimes. Les témoins sont des personnes appelées par le Procureur ou la défense à témoigner devant la Cour, des victimes, des personnes qui ont vu le crime commis, des experts ou des proches d’un suspect. Quelle est la différence entre participer aux procès devant la Cour comme victime ou comme témoin ? Les victimes peuvent demander à la Cour de les autoriser à exprimer leur point de vue et leurs inquiétudes lors des procès. Ceci constitue un élément inhabituel et novateur pour un tribunal international. Cela signifie qu’il y a une réelle opportunité de faire valoir le point de vue des victimes devant la Cour. Les victimes qui participeront auront probablement un avocat. On ne leur demandera pas de raconter leur histoire devant la Cour ; en revanche leurs avocats devront répondre à des questions précises. Le rôle des victimes devant la CPI s’apparentera à celui des parties civiles dans le système pénal tel qu’il existe en RDC. Quand les victimes viendront participer de cette manière aux procédures, elles devront assumer leurs propres dépenses. La Cour ne couvrira pas non plus forcément les frais de défense et de conseil. Le Procureur ou la défense peuvent appeler certains témoins ou victimes à déposer devant la Cour. Quand ce sera le cas, ils auront à répondre à certaines questions émanant de l’accusation, de la défense ou des representants juridiques d’autres victimes. Si les victimes sont invitées comme témoins, la Cour prendra leurs frais en charge et organisera leur séjour. Les victimes ne peuvent demander à devenir témoins. L’accusation ou la défense, seules, décident qui sera appelé à témoigner. Comment les ONG doivent-elles présenter aux victimes et témoins leurs relations avec la Cour ? Quand elles s’adressent à des victimes ou des témoins potentiels, les ONG doivent indiquer clairement qu’elles ne sont pas mandatées par la CPI. Elles collectent leurs informations indépendamment, dans le cadre de leur travail, même s’il s’agit ultérieurement de les communiquer à la Cour. Les ONG doivent-elles adresser des déclarations de victimes ou de témoins à la Cour ? Non. Quand elles s’adressent aux victimes ou aux témoins de crimes supposés, les ONG doivent éviter de prendre des notes qui reprennent mot pour mot ce que ceux-ci sont en train de dire (ce qu’on appelle un verbatim). Elles doivent conserver un résumé de l’information ainsi fournie par la victime ou le témoin. Seul le Procureur peut décider des questions à poser aux victimes ou aux témoins et de quelle manière conserver leurs réponses. Dans la mesure où les ONG n’appartiennent pas à l’équipe du Procureur, elles risquent de commettre des erreurs en interrogeant des témoins ce qui compliquerait la tâche du Procureur. Voici pourquoi elles ne doivent que prendre note d’un résumé de l’information et le transmettre au Bureau du Procureur avec les moyens de contacter ultérieurement la victime ou le témoin. Enfin, les ONG doivent bien sûr s’assurer du consentement des victimes et des témoins avant d’agir ainsi. Si les victimes ou les témoins insistent pour faire des déclarations formelles, intégrales (verbatim) ou si les ONG les ont déjà collectées par le passé, elles peuvent les adresser au Procureur. Mais alors, les ONG doivent s’assurer de ne faire aucun commentaire, ni d’altérer ou d’éditer les déclarations des victimes ou des témoins ou les documents qu’elles veulent remettre au Bureau du Procureur. Comment les ONG peuvent-elles aider les victimes à décider si elles souhaitent s’impliquer dans l’affaire ? Tout d’abord, les ONG peuvent aider les victimes à évaluer les risques pour leur sécurité qui peuvent se présenter du fait de leur participation. Elles peuvent aussi prendre des mesures de protection au plan local. Ensuite, les ONG doivent expliquer aux victimes les différentes étapes de l’examen des faits puis de l’enquête formelle. Les ONG doivent encourager les victimes à se faire connaître pour des affaires qui sont liées aux situations faisant l’objet d’une enquête. Et elles doivent décourager les autres de prendre contact avec la Cour. Enfin, les ONG peuvent aider les victimes à remplir les formulaires qui doivent l’être pour demander à être associé à l’affaire. Ces formulaires ne sont pas encore disponibles mais devraient l’être d’ici la fin de l’année sur le site internet de la CPI : www.icc-cpi.int. Les victimes peuvent demander leur participation quand une enquête formelle a été lancée ou même avant, si le Procureur a décidé d’enquêter de sa propre initiative. Les victimes peuvent adresser leur demande au Greffier qui communiquera le formulaire à la Chambre concernée. La Chambre décidera alors si et comment les victimes peuvent être associées. Elle peut rejeter cette demande si (i) elle considère que le demandeur n’est pas une victime, (ii) si la victime n’est pas personnellement concernée par les procédures ou (iii) si elle détermine que la participation de la victime serait contraire aux droits de la défense et aux critères d’un procès juste et impartial. Une victime dont la demande a été rejetée par la Chambre peut reformuler une nouvelle demande ultérieurement dans le cours de la procédure. Comment les ONG peuvent-elles susciter la participation des victimes avant l ‘ouverture formelle de l’enquête ? Les ONG peuvent assister les victimes en fournissant des preuves au Bureau du Procureur (voir ci-dessus). En outre, les ONG peuvent aussi aider les victimes en demandant à être entendues par la Chambre préliminaire quand le Procureur a décidé qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de poursuivre une affaire. Elles peuvent aussi assister les victimes en présentant leur point de vue. Comment les victimes peuvent-elles participer au procès lui-même ? Une fois le procès ouvert, les victimes peuvent demander à être entendues et à exprimer leur point de vue au travers de leur représentant juridique. Les victimes peuvent aussi être invitées à communiquer leurs vues à la Cour sur un certain nombre de questions. Par exemple, les victimes peuvent être invitées à exprimer leurs vues quand la Cour décide si plusieurs accusés doivent être jugés en groupe ou séparément. Le Greffe doit informer les victimes régulièrement des développements et décisions de la Cour. Les étapes particulièrement importantes sont : • La décision du Procureur de ne pas ouvrir d’enquête ou de ne pas poursuivre • La décision de la Chambre préliminaire de tenir une audience pour confirmer les charges pesant contre l’accusé • Le déroulement des procès, en particulier la date des audiences ou tout ajournement et la date du jugement • Les requêtes, informations ou motions qui peuvent être importantes pour l’affaire Comment les ONG peuvent-elles assister les victimes avec une représentation juridique ? Les ONG peuvent assister les victimes en identifiant pour elles des avocats qualifiés et de confiance qui peuvent les représenter devant la Cour. Elles peuvent aussi proposer des avocats à la Cour elle-même, qui pourra avoir dans certaines situation à choisir des conseillers pour les victimes. Il y aura une Division d’aide aux victimes au sein du Greffe de la CPI. Elle sera chargée d’apporter son aide et son soutien aux représentants des victimes ou aux victimes elles-mêmes, notamment dans leurs recherches, conseils et lorsqu’elles comparaîtront devant la Cour. En outre, les ONG peuvent aider les victimes à s’organiser en groupes pour se faire représenter par des avocats communs. Ceci peut être important dans un souci d’efficacité, dans des situations où les victimes sont nombreuses. La Cour elle-même peut décider de regrouper les victimes et de désigner un conseil juridique commun. La Cour garde-t-elle confidentielles les informations des victimes et des témoins ? Les règles de la Cour imposent au Procureur la confidentialité des informations qu’il a reçues et collectées. Ceci signifie qu’il ne peut rendre publics les noms de ses sources. Cependant, les règles de procédure impliquent aussi qu’il communique à la défense les noms des témoins qu’il entend appeler. Les accusés ont le droit de savoir qui va témoigner contre eux. S’il existe des soucis de sécurité, une Chambre de la Cour peut décider d’interdire la publication du nom d’une victime ou d’un témoin ou le lieu où ils se trouvent, de même pour toute autre personne qui ne serait ni victime ni témoin. Dans certains cas, les victimes et témoins peuvent être entendus à huis clos ou un pseudonyme peut leur être attribué. Parfois, leurs témoignages peuvent être diffusés avec une altération de la voix ou de l’image afin de protéger leur identité. Mais au cas où toutes les victimes souhaiteraient qu’il en soit ainsi, il n’est pas garanti que la Cour accederait a leur demande. Dans certaines circonstances, la Cour se doit de respecter la confidentialité de l’information et ne peut contraindre le detenteur d’une information à la divulguer en guise de preuve. C’est notamment le cas quand une information a été communiquée aux représentants du Comité international de la Croix rouge (CICR), aux défenseurs d’une personne accusée, à des médecins ou à toute autre catégorie de professionnels soumis à l’obligation du secret professionnel. Les autres informations ne sont pas protégées et peuvent par conséquent être divulguees devant la Cour. Des mesures de protection peuvent par ailleurs être réclamées par le Procureur, la défense ou par les victimes et témoins eux-mêmes. La Division d’aide aux victimes et aux témoins peut émettre des recommandations aux Chambres en ce sens. Quelles sont les autres mesures de protection des victimes et des témoins ? La Division d’aide aux victimes et aux témoins, qui dépend du Greffe de la Cour Pénale internationale, est chargée de la sécurité et du bien-être des victimes et témoins. Les règles de la Cour définissent ce rôle de manière vague, comme de prévoir les mesures et les dispositions à prendre pour assurer leur protection, leur fournir une assistance médicale et psychologique et s’assurer que les victimes de violence sexuelle recevront l’aide nécessaire. Pourtant, dans la pratique, il est probable qu’il y aura un certain nombre de problèmes et que la Division d’aide aux victimes et aux témoins ne sera pas en mesure de les protéger tous. Chaque cas risque d’impliquer un nombre élevé de victimes et de témoins, mais les fonds alloués à leur protection sont très limités. Comment une ONG peut-elle s’assurer de la sécurité et de l’anonymat des victimes et des témoins ? Les ONG peuvent observer de près les avancées du procès pour s’assurer que la Cour applique ses propres règles. Elles peuvent aider les victimes à admettre les limites de la Cour dans la protection des personnes, tout en insistant pour de meilleures mesures de protection quand c’est possible. Les victimes et les témoins qui veulent déposer ou participer de toute autre manière doivent être informée des risques qu’ils encourent ainsi que des mesures de protection disponibles. Les ONG elles-mêmes doivent prendre des précautions pour garantir que l’identité d’une victime ou d’un témoin est protégée. Si une ONG souhaite adresser des informations à la Cour sur des victimes ou des témoins, elle doit informer ces personnes des procédures suivies par la Cour et des implications éventuelles pour leur sécurité. Ce n’est qu’après que les ONG pourront demander leur accord aux victimes ou aux témoins pour adresser les informations au Bureau du Procureur de la CPI. Elles ne doivent transmettre que les documents à propos desquels les victimes ou les témoins ont expressément donné leur accord. Quand une ONG envisage de contribuer à l’information de la Cour, elle doit mener d’abord une évaluation des risques et décider de la stratégie à adopter pour protéger son propre personnel et toutes les personnes en contact avec elle. Dans certains cas, la discrétion est la meilleure stratégie, dans d’autres, la publicité peut être plus efficace (ce qui ne signifie pas divulguer l’identité des victimes et des témoins). Voici les mesures que les ONG peuvent prendre pour protéger la confidentialité de l’information : • évaluer régulièrement les risques • rallier des réseaux nationaux et internationaux de défense des droits humains • établir des liaisons avec des officiers de sécurité • assurer la sécurité de leurs bureaux et contrôler les visiteurs • recruter des gens de confiance • se montrer discrètes sur leurs échanges avec la Cour Pénale internationale • être toujours prudentes au téléphone, dans les e-mails, les télécopies et le courrier, si possible en utilisant des mots de code ou un document crypté. • utiliser l’adresse d’autres organisations de confiance pour envoyer et recevoir du courrier • interroger les victimes et témoins sans autres personnes présentes • interroger les victimes et témoins dans un lieu et dans un contexte qui n’attirent pas l’attention des personnes extérieures • demander à un contact local d’interroger la victime ou demander à la victime de venir vous trouver, afin de ne pas éveiller les soupçons par votre visite • modifier ses plans si nécessaire, par exemple si vous réalisez que vous êtes suivis • stocker les informations recueillies en sécurité en utilisant des mots de passe et des documents cryptés • garder les notes prises dans un lieu sûr • effacer les noms de vos sources d’information de vos notes • éviter d’utiliser des informations qui pourraient facilement trahir l’identité de votre informateur (Certaines de ces recommendations sont extraites du rapport d’Amnesty International/ CODESRIA : “Ukweli, Monitoring and Documenting Human Rights Violations in Africa, A Handbook,” Amsterdam/ Dakar 2000). Les victimes peuvent-elles obtenir réparation devant la Cour ? Oui. Les victimes ou leurs proches peuvent obtenir réparation, notamment la restitution de leurs biens et des compensations pour les pertes subies. La compensation due peut provenir des fonds d’un accusé. Les Etats qui ont créé la Cour ont également prévu un fonds d’indemnisation des victimes et la Cour peut décider de payer les compensations en puisant dans ce fonds. Il revient aux juges de fixer le montant de la réparation. La Cour peut fixer le montant d’une compensation sans que les victimes l’aient expressément demandé quand elle juge que celles-ci ne sont pas en mesure de le faire. Afin de permettre au plus grand nombre d’obtenir réparation, les règles de la Cour imposent que le Greffe informe suffisamment des procédures de réparation devant la Cour. La Cour peut aussi décider des réparations collectives au bénéfice d’un groupe de victimes, si leur nombre est trop élevé pour envisager des réparations individuelles. Remerciements Ce guide a été rédigé par Juliane Kippenberg, responsable de la liaison avec les ONG de la division Afrique de Human Rights Watch et par Pascal Kambale, conseiller juridique auprès du Programme Justice Internationale. Il a été corrigé par Alison Des Forges, conseillère auprès de la division Afrique, et Richard Dicker, directeur du Programme Justice Internationale. Géraldine Mattioli, avocate travaillant pour le Programme Justice Internationale et Karen Stauss, chercheuse sur la République démocratique du Congo, ont apporté leurs connaissances. Le rapport a été revu par Wilder Tayler, directeur de la division juridique et politique, et Widney Brown, directrice adjointe des programmes. Lizzie Parsons, Yolanda Revilla et Andrea Holley ont assuré la coordination et aidé à la réalisation de ce guide. Nous tenons à exprimer notre gratitude à Gabriela Gonzales Rivas travaillant pour la Cour pénale internationale et à Paul Simo travaillant pour Global Rights pour leurs commentaires de l’avant-projet. Nous tenons aussi à remercier les organisations non gouvernementales de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda pour leur participation et leurs commentaires. septembre 2004
|