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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Les chiffres de la précarité

Salariés soldés, ni repris ni échangés

Source : AAARRG !!

juin 2001

Les jeunes activistes de AARRG !! (Apprentis Agitateurs pour un Réseau de Résistance Globale) et les syndicalistes de Marks & Spencer, Mc Donald’s, Carrefour, H & M, Maxi-Livres, Extrapole, Laurent Cerrer, Quick, Pizza Hut, BHV et Disney, envahissent le centre commercial de Belle-Epine (Thiais, 94).

Nous dénonçons la systématisation du travail précaire. Le centre commercial de Belle-Epine est un laboratoire des nouveaux modes de management. Derrière la diversité des enseignes, des marques, des logos, se cache une même machine à précariser. Ce mardi 26 juin, à l’occasion du premier jour des soldes, par le spectacle et la dérision, nous proclamons notre refus d’être soldéEs.

Pour la première fois, syndicats et associations de lutte contre la mondialisation libérale s’unissent dans l’action. AARRG !! (Apprentis Agitateurs pour un Réseau de Résistance Globale), tout beau tout neuf, né à la suite des rassemblements de Seattle, Millau, Nice, montre ainsi que les luttes pour une autre mondialisation sont portées par un vrai réseau concret, ancré dans les revendications locales. Local-global même combat.

Du travail en solde, c’est quoi ?

Du travail en solde c’est du travail précaire que l’on prend et que l’on jette en flux tendus. C’est du travail géré comme de la marchandise. Plusieurs facteurs se conjuguent pour définir le travail précaire : la faiblesse des rémunérations, associée à des contrats à durée déterminée et à des temps partiels courts et contraints, la pénibilité physique et mentale du travail, la pluriactivité sur le lieu de travail, l’individualisation de la rémunération et de la sanction, la répression et la faiblesse syndicale... La précarisation du travail, un mouvement de fond.

Si on regarde la plupart de ces indicateurs, on se rend compte que la part de l’emploi précaire augmente fortement depuis les années 1990. Entre 1990 et 2000, l’intérim a augmenté de 130% et les CDD de 60%, contre 2% pour les CDI. Que ce soit en 1990 ou en 2000, les jeunes sortis depuis moins de 5 ans du système éducatif occupent moins souvent que leurs aînés un emploi stable [Le Monde, 13.04.01, repères]. A l’heure actuelle, 70% des embauches se font en CDD [Le Monde Economie, 29.05.01, Interview Pierre Cahuc]. Ce type de contrat conjugué avec la faiblesse des rémunérations en temps partiel fait que les travailleurs pauvres (« working poor ») représentent plus de 6% des actifs ! [Chiffres de 1996, rapport de l’INSEE : Les travailleurs pauvres en France : facteurs individuels et familiaux. Economie et Statistique, n°335, 2000].


Dans le même temps la charge du travail s’accroît sur les emplois précaires. Les dernières enquêtes sur les conditions de travail font état entre 1991 et 1998, d’une augmentation générale des facteurs de pénibilité mentale et psychologique, alors même que les pénibilités physiques n’ont pas régressé. 60% des salariés disent qu’une erreur de leur part les exposerait à un risque de sanction sur leur emploi ou leur rémunération alors qu’ils étaient 46% en 1991. 30% des salariés vivent des situations de tension avec le public contre 22% en 1991. Ces chiffres sont directement en rapport avec l’augmentation des rythmes de travail [INSEE, Economie et Statistique, n° 339-340, 2000. La charge mentale au travail : des enjeux complexes pour les salariés]. On exige plus (plus de qualité, plus de service), sans en donner les moyens.

Plus le travail est précaire, plus le travail est pénible. Si 32% des salariés en CDI ne contrôlent pas leur rythme de travail, ce pourcentage monte à 35% pour les salariés en CDD, et même à 51% pour les intérimaires [Etude réalisée par la Fondation de Dublin, une des douze agences de la commission européenne. Le monde, 05.04.01].

L’ensemble de ces chiffres traduit une dualisation du marché du travail que les économistes, statisticiens et sociologues s’accordent à reconnaître. INSEE dixit : « Deux espaces de mobilité coexistent sur le marché du travail. Le marché primaire regroupe des emplois plutôt stables et qualifiés, qui conduisent à des rémunérations plus élevées mais aussi à des perspectives de carrières plus assurées. Au contraire, le marché secondaire propose des emplois instables et peu qualifiés, assortis de rémunérations moins élevées. La rotation entre les emplois est beaucoup plus élevée sur le marchée secondaire », avec des phénomènes « d’ancrage dans le marché secondaire et de stigmatisation des individus ». [INSEE, Economie et Statistique, n° 334, 2000, Récurrence du chômage dans l’insertion des jeunes : des trajectoires hétérogènes].

« Un grand nombre d’entreprises usent et abusent des CDD, souvent en toute illégalité - y compris d’ailleurs l’Etat employeur. Je crois qu’il serait important de regarder de plus près la question des emplois précaires et d’essayer d’élaborer un système cohérent, limitant un dualisme excessif du marché du travail. ». Qui le dit ? Un incorrigible gauchiste ? Non : Pierre Cahuc, prix du meilleur jeune économiste, professeur à l’Université de Paris I, célébré par Raymond Barre comme un digne successeur de Milton Friedman !!! [Le Monde, 29.05.01].

Le travail précaire va-t-il devenir la norme du travail dans nos sociétés ? La dualisation du salariat est-elle une fatalité ? Nous envahissons aujourd’hui le centre commercial de Belle-Epine pour dénoncer un gigantesque laboratoire de la précarité. Belle-Epine : une expérience grandeur nature du travail soldé. Vivre comme un salarié soldé

Mais le travail en solde ce ne sont pas que des chiffres. Ce que les statisticiens appellent, dans leur jargon, « marché secondaire », c’est une multitude de trajectoires individuelles, de galères et de débrouillardise. Du travail en solde, c’est :

Du travail pas cher. Le SMIC horaire sur des temps partiels souvent courts est insuffisant pour vivre dignement (sans parler des conditions de travail...). On sait de plus que « toutes choses égales par ailleurs (nature du travail et heures travaillées), les hommes à temps partiel contraint ont un salaire inférieur de 10 points à celui de leurs collègues à temps plein ». [INSEE, Economie et Statistique, n°321-322, 1999. Les temps partiels : entre emplois choisis et emplois « faute de mieux »]. Etre précaire c’est non seulement être mal payé, mais être moins bien payé que d’autres qui font le même travail.

Cela s’appelle de l’injustice... et cette injustice salariale, les employés d’Extrapole la connaissent bien. En septembre 2000, ils manifestaient devant le siège de l’actionnaire du groupe, Hachette Distribution Service, pour obtenir la généralisation du 13e mois pour tous les salariés. En effet, seul les employés du magasin de Belle-Epine en bénéficiaient jusqu’ici. Mais la direction, qui s’y connaît en équité, a eu tôt fait de réparer l’injustice : le 13 juillet, alors qu’un tiers des employés sont en vacances, elle annonce pour tous ... la suppression du 13e mois. [L’Humanité, 11.09.2000]. Une histoire isolée ? A Extrapole toujours, les salariés d’Aulnay sont moins payés que ceux de la Défense. [Le Parisien Seine-Saint-Denis, 23.12.2000].

Du travail en miettes. Les salariés précaires cumulent une triple incertitude vis-à-vis du temps, le temps de l’avenir (bloqué au CDI), le temps du jour et de la semaine (plannings modifiables à merci), le temps de l’instant (stress des « rushs » ou optimisation fine de la variable travail par rapport à la demande).

Cette histoire, les salariés de Pizza Hut la racontent : « Au début, tout le monde trouvait ça normal de travailler jusqu’à 1 heure du matin sans avoir de rémunération supplémentaire, raconte Paulo, 25 ans, délégué CGT. On acceptait tout : les guelantes du patron, le temps de service chronométré, la flexibilité des horaires... Pour des étudiants, c’était la norme. » La grève est née d’un immense « ras-le-bol », d’un « manque de considération » que les salariés ont décidé de ne plus accepter. Car, selon eux, les salaires ne justifient pas les conditions de travail : « 42 francs brut de l’heure, vous trouvez ça normal ? ».

Une jeune salariée renchérit : « On reçoit tellement peu par rapport à ce qu’on donne... Moi, j’ai un contrat à durée indéterminée de 33 heures par semaine. Je sers les tables, je nettoie, je rentre parfois chez moi à 2 heures du matin, et je touche 5200 francs net par mois ». Sans parler des horaires propres à la restauration : le plus souvent de midi à 15 heures, et de 19 heures à minuit. Une journée de travail scindée en deux qui ne facilite pas la vie sociale des salariés. [Libération, 11.01.2001].

On sait que plus les charges horaires sont réduites, plus l’employé est susceptible d’être appelé aux heures les plus désagréables. [« Formes particulières d’emploi et gestion d’une main d’oeuvre peu qualifiée : les caissières d’un supermarché », Sociologie du travail, 3, 1994, par P. Bouffartigues, J.R. Pendariès].

Au Carrefour de XXX, 47% des heures travaillées en caisse sont effectuées par des employés en temps partiel. Or, sur le mois d’avril, il y a eu environ 1500 heures complémentaires effectuées (tous services confondus). Revaloriser les contrats en temps partiels en contrats à temps complet ? La direction prétend qu’elle n’en a pas les moyens ! Le groupe Carrefour-Promodès est au second rang mondial de la grande distribution (derrière l’américain Walmart). Il a réalisé 8,2 Milliards de francs de bénéfices en 1999.

Des jobs ? Comment justifier ce cocktail explosif salaires + conditions de travail ? Les affichettes qui invitent à l’embauche dans les Mac Donald’s ont une réponse toute prête : « vous voulez un travail motivant, une première expérience professionnelle ... ». Le « job », nécessairement temporaire, boulot d’étudiant, serait un tremplin vers les autres emplois « normaux ». Il améliorerait l’employabilité, comme on dit. C’est tout simplement faux. L’étude de l’INSEE, Récurrence du chômage dans l’insertion des jeunes, [Economie et Statistiques, n°334, 2000] démontre que l’alternance rapide entre périodes de CDD et de chômage (l’autre face du turnover dans les boites) enferme dans la condition précaire.

Qu’est-ce qui se passe lorsque le « job » est le seul horizon de l’emploi ? Un employé de H&M nous le dit, un soir de grève, devant le dépôt du Bourget : chacun évoque son parcours personnel : « la cité des 4000, les dix mois d’intérim à Peugeot, les deux ans chez H&M pour se réveiller un matin prolétaire. » [Libération 12.01.2001]. Certaines entreprises ont érigé le turnover en mode de gestion des conflits du travail. D’autant qu’un turnover important évité d’avoir à payer les garanties liées à l’ancienneté. Le passage du « job » à de vrais emplois ne se fera pas dans le turnover, mais dans les solidarités et les luttes pour faire changer nos conditions de travail, ici et maintenant.

Le chronomètre. Chez Mac Donald’s votre hamburger sent la sueur. Les employés ont 60 secondes pour servir un client, 43 secondes pour faire cuire un steack, 36 secondes pour faire chauffer un toast. Le management vente l’initiative individuelle, les objectifs en équipe, autonomie et responsabilité, nouveaux leitmotivs d’un travail plus humain et plus fraternel. Le travail précaire c’est cette curieuse alliance de la rhétorique du néomanagement et de la taylorisation.

La liberté, oui mais en cadences. La chasse aux temps morts passe pour une règle de droit... à l’encontre du droit : les temps d’habillage et de déshabillage ne sont souvent pas comptés, contrairement à ce que prévoit la loi Aubry. Mc Donald’s a été condamné cette année à 400 000 francs d’amende pour « travail dissimulé ». 8 « managers » (chefs d’équipe, anciens promus ou détenteurs de petits diplômes) parisiens dépassaient les 48 heures par semaine.

Du travail sous-traité. Le système des franchises permet d’amplifier la pression sur les salariés. Dès que les profits baissent, le restaurant est coupé de la maison mère. Au gérant, sous pression, d’optimiser la gestion de son magasin, en augmentant à son tour la pression sur les salariés. Toutes les difficultés du travail peuvent alors être mises sur le dos ses forces impersonnelles du marché et de la concurrence, alors que l’entreprise fait des profits. Exemple : Mc Donald’s c’est 9 Milliards de profit, en 1996, pour les 16 000 enseignes du monde.

Du travail jetable. Nadia Holic, vendeuse chez Marks&Spencer raconte ce que c’est que de se faire jeter de son travail. C’était un jeudi, le lendemain de ses trente-deux ans. Le téléphone a sonné. La directrice du magasin où Nadia travaille depuis cinq ans lui annonçait la fermeture de tous les Marks et Spencer de France. La porte pure et simple, pour elle vendeuse au rayon hommes et pour Jérôme son mari, chef du rayon femmes au centre commercial Créteil Soleil.

Le coup pas encore encaissé, deux jours plus tard, un message sur son répondeur téléphonique. « Le propriétaire de notre appartement nous disait qu’il avait regardé à la télévision un reportage sur la fermeture de nos magasins, et qu’en conséquence, parce que mon mari et moi allions nous retrouver au chômage, il se voyait dans l’obligation de ne pas renouveler le bail de notre appartement ». La porte une seconde fois, le projet d’avoir un premier enfant aussi. « Le monde s’est refermé sur nous ». [Connaissance du Val-de-Marne, n°171, Juin 2001]

Des conditions de sécurité bradées. Au Mc Donald’s de Belle-Epine, le 6 octobre 2000, un employé est resté coincé plus d’une heure dans la chambre froide (-24°). Résultat : une semaine d’hospitalisation. La direction était au courant d’un défaut de sécurité dans la porte de la chambre froide. La réparation coûtait 10 000 francs.

Du travail docile. Les syndicats sont combattus par tous les moyens. En décembre 2000, il y a eu une grève au Mc Donald’s Saint-Germain à Paris. Quelques mois plus tard, 5 grévistes ont été licenciés et d’autres procédures de licenciement sont en cours. 14 anciens grévistes ont reçu des avertissements pour faute. Quand ce n’est pas le bâton, Ronald sait aussi manier la carotte : en juin 1998, Mc Donald’s a donné 100 000 francs à un délégué syndical en échange de sa démission [Le vrai journal]. Il y a la carotte, le bâton et aussi les jaunes comme chez Disney.

Du travail exploité. Dans le dernier numéro des actes de la recherche en sciences sociales [Juin 2001, n° 138.], Cristophe Brochier décrit dans le détail « l’organisation du travail et la gestion du personnel dans un fast-food », ou comment fabriquer des jeunes corvéables. « Comme d’autres entreprises capitalistes, le fast-food essaie de réussir le pari de la plus grande exploitation assortie d’une forme de participation des travailleurs.

Le fast-food peut sans aucun doute être analysé comme une revitalisation dans les services de l’exploitation capitaliste de type de celle du XIXe siècle : pas de syndicats, utilisation d’une main d’oeuvre inexpérimentée, peu rodée aux pièges du marché du travail. Les relations de travail sont dures, le turnover est encouragé, l’enrichissement des taches à peu près nul. La directrice n’hésite pas à avouer directement aux équipiers qu’elle les utilise : « Eh oui ! On vous exploite, mais qu’est-ce que vous voulez ? aujourd’hui c’est comme ça. » Il ne s’agit plus pour ces entreprises d’extraire de la plus-value d’une main d’oeuvre peu scolarisée, de contraindre des pères de famille au labeur par la coercition ou de s’approprier les efforts d’apprentis non rémunérés.

Il s’agit de profiter de la situation de chômage pour bénéficier du travail d’employés de passage, consciencieux, avides de faire leurs preuves, mais inquiets et relativement démunis, sans pour autant faire partie de la classe ouvrière la plus appauvrie. Ce système est complété par une conscience des rapports capitalistes souvent obscurcie chez une génération habituée à la précarité et aux discours valorisant entourant « l’entreprise ».

Que l’on vende des fringues ou de la bouffe, c’est toujours la même histoire. Il n’y a de diversité que dans les enseignes, les stratégies marketings et la publicité. L’organisation du travail est la même. Le centre commercial est une petite usine à produire des individus : le marketing individualise le rapport au client, le management individualise le rapport à l’employé. C’est un lieu de masse, nous en ferons un lieu collectif. Belle-Epine singe le vocabulaire de la démocratie. Nous sommes sur « l’agora » : tous consommateurs, tous salariés précaires. Employables, solvables, corvéables... Nous avons d’autres mots pour la démocratie : dignité, solidarité, résistance. Du travail en solde, à quoi ça sert ?

Les entreprises qui ne pouvaient pas attaquer de front les acquis sociaux du CDI, ont opéré, depuis 20 ans, une série de déplacements qui ont fabriqué les conditions du travail d’aujourd’hui. Exemple : pour embaucher en CDD, il faut fournir une justification. Le CDI reste juridiquement et mentalement la norme du travail... mais dans les faits 70% des embauches se font en CDD, l’exigence de justification étant assez facile à contourner. En apparence, rien n’a changé : les dispositifs de loi s’appliquent toujours, mais à vide.

Les entreprises reportent sur les salariés les coûts de la flexibilité et de la concurrence, mais pas les profits. Elles ont fait baisser le coût du travail. « Toute choses égales (nature du travail et heures travaillées), les hommes à temps partiel contraint ont un salaire inférieur de 10 points à celui de leurs collègues à temps plein » [INSEE, Economie et Statistique, n°321-322, 1999. Les temps partiels : entre emplois choisis et emplois « faute de mieux »]. Aux salariés d’être flexibles, mobiles et en définitive jetables, quand les perspectives de profit ne soulagent plus l’appétit des actionnaires.

Marks&Spencer vire 4400 salariés dans le monde, 1700 en France, 43 sur Belle-Epine et 33 sur Créteil. Le jour même de l’annonce l’action de Mark&Spencer gagne 8% à la bourse de Londres. Choquant ? Mais, le but du plan social n’était-il pas ouvertement de « rendre 2 milliards de livres aux actionnaires d’ici à la fin mars 2002 » [Le Monde, 31 mars 2001] ? Luc Vandevelde, le PDG de Mark&Spencer reçoit une « prime de performance » pour sa bonne gestion de 650 000 livres (1 million d’euros, soit une année de son salaire) et un petit de bonus de 15 millions d’euros en stock-options !!

De bonnes soldes, ça se finit par une liquidation totale ! Il ne s’agit pas d’une image ou d’un slogan. La direction de Mark&Spencer embauche des CDD pour la durée des soldes. Il faut vider les stocks avant de vider les salariés. Salariez soldez-vous vous mêmes !! C’est la maxime du néomanagement (à visage humain).

Dénoncer l’exploitation dans une situation de travail, ça veut dire que l’on est capable de montrer que le malheur des uns profite à l’argent des autres. Salariés soldés, salariés exploités. Comment on lutte ?

Il y a au moins deux facteurs de pression en faveur du travail précaire. D’abord un rapport de force défavorable aux salariés au sein des entreprises. Il est lié à la désyndicalisation, à la répression syndicale, à l’individualisation de la gestion des ressources humaines, à la mise en concurrence entre les équipes, etc, etc. Le premier terrain de lutte est syndical.

Le second facteur de pression est politique. 80% des aides à l’embauche sont dirigées sur le SMIC. Les politiques d’aides aux entreprises ont encouragé et soutenu le développement du travail précaire. Il n’y a là nul fantasme du complot contre les travailleurs, et encore une fois le constat est partagé. Même le très centriste Gilles de Robien (député UDF) en convient, dans Le Monde [19.06.01] : « La France, après bien d’autres pays - Etats-Unis, Grande Bretagne - découvre les travailleurs pauvres.

Ces dernières années, nous avons assisté à un développement du travail à temps partiel, des emplois à bas salaire, le tout encouragé par des mesures d’allégements de charges dont certains effets pervers ont peut-être été mal mesurés. Les exonérations, aujourd’hui ciblées sur les bas salaires, accentuent clairement le phénomène de pauvreté laborieuse. Les années d’amélioration économique ont bien mal profité aux salariés, pourtant partie prenante, par leur travail des bons résultats actuels ; la précarité et la pauvreté sont loin d’avoir reculé, bien au contraire. »

Il y a un immense silence sur le développement du travail précaire. Nous voulons le faire sauter par une nouvelle alliance entre syndicats et associations de lutte contre la mondialisation libérale. Il n’y a pas de différence entre les luttes locales et les luttes globales . L’extension du travail soldé vaut pour l’ensemble des pays développés. Nous voulons briser le silence et donner voix aux invisibles.

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