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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Loi Perben 2 : par Noël Mamère

Intervention dans l’hémicycle

Le 04/09/2005

Monsieur le Président, monsieur le ministre, messieurs et mesdames les députés

En adaptant la Justice aux besoins de l’action policière, votre projet de loi ne fait que parachever le travail commencé en juillet 2002 par le ministre de l’Intérieur.

Votre loi s’inscrit donc, très logiquement, dans la ligne de ce que j’appellerais la « contre-réforme » engagée par le gouvernement Chirac-Raffarin dans tous les domaines de la vie sociale, économique, politique et judiciaire.

Son but : ébranler les bases mêmes de notre République, fondée sur la cohésion sociale, l’égalité de tous devant la loi, les libertés individuelles et collectives. Vous prétendez adapter la justice aux évolutions de la criminalité mais vous faites l’impasse sur la grande délinquance économique et sociale.


Après les catastrophes de l’Erika et du Prestige vous préparez une juridiction traitant de la pollution maritime mais vous ne dites pas un mot sur la criminalité écologique, sur ceux qui introduisent les OGM, qui polluent notre air et nos sols et qui provoquent des problèmes de santé publique ... Comme celle qui l’a précédée pour la police, votre contre-réforme s’appuie sur trois éléments essentiels :

1) Un accroissement des pouvoirs de la police et un affaiblissement du rôle constitutionnel de la justice dans le domaine de la garantie des libertés individuelles.

La logique de votre loi s’inscrit dans la dynamique du " tout sécuritaire " imposé par Monsieur Sarkozy au point que l’on peut se demander si dans sa boulimie celui-ci n’a pas avalé le ministère de la Justice en reléguant aux oubliettes le principe de séparation des pouvoirs.

Le président de l’Union Syndicale des Magistrats, ne dénonçait-il pas récemment la volonté du Ministre de l’Intérieur " d’envahir et de prendre le contrôle de l’espace judiciaire " à propos de la juridiction d’exception imposée aux étrangers à Roissy ? Votre loi montre que l’extension de la procédure à la notion de criminalité organisée, de bande organisée, dont nous cherchons vainement une définition précise, donne le champ libre aux services de police pour choisir la qualification des infractions sur lesquelles ils enquêtent.

Le résultat est connu d’avance. La police préfèrera utiliser le nouveau cadre moins contraignant pour la recherche des preuves.

Dans son avis rendu le 27 mars 2003, la Commission Nationale consultative des droits de l’homme a exprimé son inquiétude quant à votre projet qui fonde la création d’une procédure dérogatoire au droit commun et accroît la complexité de la procédure pénale. Cette conception, qui relève d’une approche criminologique et non d’une définition juridique, est susceptible de permettre de graves détournements de procédure.

Mais allez vous me dire, cette commission consultative n’est qu’une bande organisée de droits-de-l’hommiste qui ne respectent pas les exigences sécuritaires de votre collègue de l’Intérieur ? Exigences qui passent par l’extension de la notion de perquisition, par les visites domiciliaires, par l’infiltration, par le doublement de la durée de l’enquête de flagrance de 8 jours à 15 jours, qui donne aux seuls policiers de grands pouvoirs de perquisitions et d’investigations pour toutes les infractions.

Tous ces nouveaux pouvoirs sont censés être contrôlés par les Procureurs de la République et par les juges des libertés, mais l’activité actuelle de ceux-ci démontre qu’ils ne sont qu’un alibi judiciaire, sans réel contrôle de l’action policière.

2ème trait essentiel de votre loi : l’américanisation des procédures.

Le statut de " repenti " importé de la tradition américaine, et dont l’application chez nos voisins italiens a montré les dérives, est une prime à la délation. Combien de Sofri, ce journaliste italien emprisonné depuis des années sans preuve, allons-nous connaître pour appliquer ce système que la Justice américaine nomme " collaborateurs de justice " et qui introduit la délation sans preuves dans la procédure pénale. Le recours aux repentis c’est l’introduction à tous les niveaux de la manipulation qui peut se retourner contre les justiciables mais aussi contre la police, les juges ou n’importe quelle institution.

Je préfère une vraie enquête, menée par un juge d’instruction sur la base de preuves, à une justice qui laisse la porte ouverte à l’infiltration. Peu m’importe que nos amis d’outre-atlantique s’esclaffent devant cette vielle Europe respectueuse de l’habeas corpus. L’infiltration est aussi dangereuse pour la défense puisque les avocats ne pourront faire valoir leurs droits à la confrontation et à l’expertise. Ils seront soumis à l’anonymat de procès-verbaux venant de policiers qui, eux aussi, pourront être conduits à commettre des infractions pour se protéger et n’auront aucun filet juridique.

Enfin, le texte crée une procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable, qui n’est rien d’autre qu’une transposition dans notre droit de la procédure anglo-saxonne dite du " plaider coupable " ou " plea bargaining " ; procédure qui autorise des dérapages évidents sous la triple pression de l’urgence, du secret et de la menace de comparution immédiate.

En américanisant la justice française on ne sert ni la préservation des libertés individuelles, ni les droits de l’homme ; on va vers une justice où tout se négociera : les cautions, les peines, les preuves et qui favorisera les criminels en cols blancs qui auront plus d’atouts à négocier que les petits délinquants. Cette américanisation de la justice va de pair avec l’absence de construction d’un véritable espace judiciaire européen.

De ce point de vue, le dispositif Eurojust est loin de la création d’un parquet européen dont la nécessité se fait aujourd’hui sentir dans tous les domaines.

3) L’atteinte à l’indépendance de la magistrature par rapport au pouvoir exécutif.

La marginalisation de la fonction de juger au profit d’un parquet tout puissant est une des bases de votre projet. Outre le choix par le parquet du juge du pôle de criminalité organisée en fonction d’infractions à géométrie variable, s’ajoute une procédure de jugement en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, pour les délits les plus courants. Cette procédure élimine le juge, elle élude la question de la culpabilité, elle réduit les droits de la défense, surtout pour les personnes les plus démunies.

Le rôle du juge d’instruction est marginalisé.

Aujourd’hui, il garantit le mieux les droits de la défense. De ce point de vue, l’introduction d’un nouvel article 30 du Code de procédure pénale qui nous dit : le ministre veille non pas à la définition de la politique pénale mais surveille l’application de la loi ne laisse pas d’inquiéter.

D’autres articles renforcent les pouvoirs de contrôle des procureurs généraux sur le procureur de la République. Autant dire qu’en matière politico-financière ou de dossiers sensibles, le pouvoir exécutif choisira ses juges.

Une fois de plus la loi, qui devrait être simple, cède au particulier et peine à éclairer le principal. L’indépendance de la magistrature et l’accès de tous au droit qui aurait dû constituer les axes de votre réforme en sont les parents pauvres. Votre loi éloigne un peu plus les citoyens de la Justice, assujettit les juges au pouvoir exécutif.

Voilà pourquoi Monsieur le Président, monsieur le ministre, messieurs et mesdames les députés, les députés verts voteront contre l’adoption de cette loi qui renforce la fracture judiciaire et morale qui mine notre pays.

Noel Mamère

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