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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Entretien avec José Bové

José bové, la face cachée...

Source : Soleil-levant / le 10/09/2005
- Réalisé par Nathalie Calmé*

"Quand je suis dans le Larzac, je me ballade, je marche. Je me réimprègne de cette terre qui me rappelle qui je suis et d’où je suis. "


José Bové, entre l’époque où vous gardiez vos brebis dans votre exploitation du Larzac et aujourd’hui, votre vie a changé : vous voyagez à travers la planète, des documentaires vous sont consacrés, vous faites la Une des journaux,vous attirez les foudres comme les adorations, et on vous connaît jusque dans les villages les plus isolés de l’Inde... Comment vivez-vous tout cela ?

Cela ne me pose pas de problème métaphysique ! (Rires) C’est vrai, mon quotidien s’en est trouvé très bouleversé car je me sens avant tout éleveur. Pendant des années j’ai réussi à concilier mon activité agricole et mes engagements sociaux. Dans une journée je pouvais à la fois m’occuper de mon exploitation, de mes brebis et militer.

Ce n’était pas toujours facile mais grâce à mes collaborateurs et associés à la ferme, j’y arrivais ! Depuis trois ans je suis devenu un ambassadeur itinérant. Il m’est désormais quasiment impossible de pouvoir être sur l’exploitation et c’est une frustration. Je pense que ce rôle de médiateur durera encore quelques années , et ensuite j’espère que je reviendrai au mode de vie que j’ai connu avant. Mais je me sens vraiment transformé par cette expérience. J’ai beaucoup appris.

Comme Gandhi ou Martin Luther King, vous encouragez les gens à la désobéissance. Vous êtes incontestablement un leader ? Cela vous demande-t-il une hygiène du pouvoir ?

Lorsque je prends la parole en public, je le fais toujours en référence au mouvement paysan. Mes propos correspondent aux discussions que nous avons dans notre mouvement . Je ne fonctionne pas en électron libre. La Confédération Paysanne * ne repose sur aucun système de domination : il n’y a pas de courses entre les différents mouvements alter- globalisation pour construire la meilleure “ autre mondialisation ” et si “course au pouvoir” il y avait je ne m’inscrirais pas dedans ! Chaque réseau travaille à partir de sa compréhension de la réalité . Je ne sais pas si je suis un médiateur mais je suis celui qui peut transmettre la parole du mouvement .

Gandhi, que vous citez comme modèle, avait des périodes de doute et se ressourçait en se mettant à son rouet pour méditer. Quel est votre rouet à vous ?

Quand je suis dans le Larzac, je me ballade, je marche. Je me réimprègne de cette terre qui me rappelle qui je suis et d’où je suis.

Qu’avez vous appris de votre vie de voyageur itinérant ?

Grâce à mes voyages, je constate que de plus en plus de gens sur la planète se lèvent.... cette conscience active de la société civile est porteuse d’espoir.

Chaque fois que je suis en contact avec des hommes et des femmes , en Afrique ou en Amérique du Sud ou sur n’importe quel continent, qui témoignent de ce qu’ils sont en train de vivre pour changer leur quotidien ou un rapport économique, je ne peux pas baisser les bras.

Le changement passe par la création d’une véritable dynamique . Les liens de complicité et d’adhésion entre les hommes est une grande richesse. Elle me touche beaucoup. J’ai pris conscience que les différences culturelles ne sont absolument pas des obstacles à une réflexion vers une même démarche. C’est un véritable apprentissage d’écoute et de tolérance.

En fait, le mouvement se crée en marchant.... aucun a priori n’oriente le sens de la marche. Nous avons défini le but, il suffit d’y aller ! Nous ne sommes pas des soldats mais les créateurs d’une lutte incontournable contre des abus et des injustices économiques et politiques.

Nous constatons que la résistance à la globalisation économique amène chacun à approfondir ses propres racines, à puiser dans sa culture et ses traditions ce qu’il y a d’universel pour rejoindre la société civile internationale.

Quelle est cette racine universelle ?

La culture, le territoire ... A travers la richesse de la diversité, chacun devrait affirmer que le monde ne peut pas seulement se construire sur une règle économique mais sur le respect des droits. Les droits devraient devenir le concept universel à partir duquel les choses doivent s’organiser. Les acteurs du marché économique devraient se soumettre à ces règles de droits universels.

Pierre Rabbi, grand réformateur agricole et écrivain, nous renvoie à une sorte de prise de conscience, il dit : “... on risque trop souvent de se mettre du coté de la vérité, les autres sont des fripouilles, des salopards, ils nous oppriment...Les grands rassemblements sont organisés sous prétexte de l’oppression , il y a d’un coté les opprimés, de l’autre les oppresseurs.

Mais je suis sûr que du coté des opprimés il y a aussi des oppresseurs...”. Il ajoute : ” Dans la question de la mondialisation, posons d’abord le problème de l’oppression... alors on se rendra compte que nous sommes tous plus ou moins des oppresseurs...”.

José Bové, comment réagissez vous aux propos de Pierre Rabbi ?

Je suis tout à fait d’accord sur le fait que le but de la transformation et du combat n’a pas de sens si on n’est pas soi-même transformé par ce combat et qu’on n’essaie pas en permanence de constater quelle sont les situations de violence que nous faisons nous aussi aux autres. Nous sommes sans cesse dans des contradictions et nous ne devons pas nous en cacher.

Par exemple, à cet instant même, je peux avoir des discours très critiques sur la technique tout en faisant une interview avec vous sur un téléphone portable...! La première chose est de le reconnaître...mais le danger est de se retrouver complètement annihilé par ce constat qu’il y a de la contradiction dans nos vies. Tout est une question d’équilibre entre l’action et la réflexion sur soi.

On peut parfois avoir tendance à s’enfermer uniquement dans l’action et se couper complètement de la réalité de la vie, mais on peut aussi complètement se couper de la réalité de la vie en passant son temps dans l’introspection. Je pense qu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître cette réalité et tendre à ce que les moyens de résistances que nous mettons en oeuvre pour changer cette réalité ne doivent pas enfermer “l’adversaire”.

Que voulez-vous dire par “ne pas enfermer l’adversaire” ?

Dans toute recherche de solution et mobilisation il faut permettre à la personne ou à l’institution face à la quelle on combat de pouvoir garder une porte de sortie. La solution n’est pas l’élimination de l’autre.

La question à se poser chaque fois que l’on mène une action concrète - comme une grève de la faim par exemple - est : la sortie de la grève de la faim et ses conséquences sont-elles envisageables et possibles pour l’autre ? Sinon on rentre uniquement dans une relation de chantage où il n’y a pas d’alternative possible.

C’est là où se pose sans cesse la limite du combat non violent : d’un coté l’aspect résistance et organisation du rapport de force et de l’autre l’implication personnelle qui ne doit pas être de la victimisation. On n’est pas là pour jouer les martyrs...

Vous avez de la compassion pour vos adversaires ?

Non ce n’est pas de la compassion, j’essaie de les comprendre. Et c’est d’ailleurs souvent plus complexe que l’image qu’ils peuvent donner

Ce sont des questions qui doivent vous habiter en permanence...?

Oui, chaque fois que je fais quelque chose j’essaie d’avoir cette réflexion : quelles seront les conséquences face à cette alternative et à cette action ?

La qualité chez les Hommes que vous préférez c’est l’honnête. Aller en prison est pour vous un acte de chevalerie ?

Non, mais j’assume mes responsabilités et l’action n’est jamais collective ou individuelle, elle est les deux à la fois . Dans de telles actions chacun doit être capable d’assumer l’engagement collectif . C’est cela qui fait la spécificité du combat non violent. Chacun est à la fois un individu et dans le Tout.

C’est votre devise ?

Oui : “la liberté d’autrui étant la mienne à l’infini”.

* Nathalie Calmé Journaliste. Auteur de Etre à Deux ou les Traversée du Couple, Le Couple Intérieur et L’Enfant du Possible ( Question de ) aux Editions Albin Michel. "Je peux changer" : Rencontre avec Paule Salomon Ed. Dervy. Numéro spécial Nouvelles Clés "Ah les hommes" ( 2002 : entretiens avec Rufus, Christian Boiron,M. Cazenave, J.M. Burnier, Alexandre Jardin etc).

Nathalie Calmé enseigne également le théâtre dans des classes internationales d’adolescents ( France et Inde). Cet entretien est un extrait d’une interview plus approfondie.

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