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Questions-réponses sur les statistiques de la diversitéSource : Le CRAN / le 16/09/07 1. Qu’est ce que les statistiques de la diversité ? Certains disent statistiques ethniques, nous, au CRAN, nous préférons dire « statistiques de la diversité », car ce ne sont pas des ethnies qu’il s’agit de mesurer, c’est la diversité même de la population française qu’il s’agit de prendre en compte. 2. Quel est le processus de recueil des données ? Les données devraient être recueillies à l’occasion des recensements qui se font ordinairement en France. Comme pour tout recensement, ces données seraient recueillies de manière facultative, anonyme et auto-déclarative, c’est-à-dire que chaque personne répond librement et comme elle le souhaite aux questions qui lui sont adressées. 3. Quelles seraient les catégories à retenir pour faire les statistiques de la diversité ? Ce sont les types en usage dans vie ordinaire, c’est à dire, notamment, les Blancs, les Noirs, les Arabo-berbères, les asiatiques, et il faudra prévoir une rubrique « autre » et une rubrique « Ne souhaite pas répondre » pour préserver la liberté des personnes interrogées. Cependant, ces rubriques peuvent être discutées et doivent faire l’objet d’un large débat au sein de la nation. 4. Et les métis ? Dans quelle catégorie les mettra-t-on ? En effet, il importe de prévoir une ou des rubriques concernant les métis. 5. Quel est l’usage qui sera fait des statistiques de la diversité ? Elles permettront de mieux lutter contre les discriminations. En effet tout le monde sait qu’il y a beaucoup de discrimination en France, mais comme il n’y pas de chiffre, il est impossible de mesurer l’ampleur de ces pratiques. 6. Mais pourquoi compter les Noirs ? Les gens qu’on ne compte pas sont les gens qui ne comptent pas. Il est donc problématique de ne pas prendre en compte les populations noires dans les bases de données de l’INSEE. Si l’on refusait de mesurer le nombre de femmes dans la vie politique en France, comment saurait-on si la parité est respectée ou pas ? De même, si l’on refuse de mesurer le nombre de Noirs en France, comment saura-t-on si la diversité est respectée dans le monde du travail par exemple ? 7. Mais il y a déjà des lois contre les discriminations ? A quoi bon faire des statistiques ? Une personne discriminée peut intenter un procès, puisque en effet, il existe des lois dans ce domaine, mais cette procédure est toujours difficile, longue et coûteuse. Et ce n’est pas ainsi que l’on pourra sérieusement résoudre un problème aussi large. Les solutions ne peuvent pas être seulement juridiques : pour s’opposer aux discriminations en France, il faudrait faire des dizaines de milliers de procès chaque année. Evidemment, ce n’est pas possible. On le voit bien, il faut d’abord trouver des solutions politiques. Avec les statistiques de la diversité, on peut voir clairement et de manière chiffrée le décalage qui peut exister dans certaines entreprises entre la composition de leur personnel et la diversité de la population française. Ce décalage, c’est clairement de la discrimination. C’est évident, les chiffres le montrent, plus besoin de faire un procès. Dans ces conditions, ce n’est plus aux personnes discriminées de faire la preuve de la discrimination dont elles auraient été l’objet, c’est à l’entreprise de s’expliquer quant à cette inégalité. Par rapport aux lois contre les discriminations, les statistiques de la diversité possèdent donc trois avantages : -elles permettent une approche collective des problèmes, et non individuelle ; -elles permettent une approche préventive, plutôt que répressive ; -elles permettent de montrer une réalité discriminatoire, sans qu’il y ait besoin de désigner une volonté discriminatoire imputable à telle ou telle personne. 8. S’agit-il de mettre en place des quotas ? Les statistiques de la diversité et les quotas, ce n’est pas la même chose. L’un n’implique pas l’autre. A partir du moment où on constate que le personnel d’une entreprise est peu diversifié, de nombreuses solutions peuvent être envisagées pour y remédier. C’est à l’entreprise de les trouver : elle peut choisir de sensibiliser les Directeurs des Ressources Humaines, les cadres dirigeants, ou mettre à l’étude d’autres pistes de réflexion, sans recourir pour autant à une politique de quotas. Mais l’important, c’est que la diversité progresse, notamment dans le monde du travail, et que l’on puisse mesurer ces progrès de manière effective. 9. S’agit-il d’accorder des privilèges aux Noirs ? Il ne s’agit pas de privilèges, il s’agit au contraire d’un combat pour l’égalité. Aujourd’hui, les Noirs sont particulièrement exposés aux inégalités. Tout le monde le sait, mais avec les statistiques de la diversité, on pourra le prouver, combattre les inégalités et mesurer les progrès accomplis s’il y en a. 10. N’y a t-il pas un risque de fichage policier comme pendant la deuxième guerre mondiale ? Non, car les recensements sont anonymes et auto-déclaratifs. Les données recueillies sont ensuite rendues anonymes. Il n’y a pas de lien entre les réponses données et les individus qui ont répondu. Le fichage c’est le lien entre une personne et une information or ce lien n’existera pas. Cependant une rubrique mentionnant des caractères visibles, comme la couleur de peau chez les Noirs, ne devrait pas poser de problème bien au contraire. En effet, tout le monde sait qu’il existe parfois un délit de faciès, et que les Noirs par exemple se trouvent surreprésentés dans les contrôles « aléatoires » de la Police. Mais avec des statistiques de la diversité, on pourrait montrer et prouver, s’il y a lieu, le décalage éventuel entre le nombre de Noirs dans ce quartier et le nombre de Noirs parmi les personnes contrôlées par la police. Ce décalage, c’est de la discrimination. 11. N’est-ce pas aller vers une américanisation de la société française ? Non. Les statistiques de la diversité ne sont pas une spécificité américaine. L’Angleterre par exemple y a recours, et l’Union européenne elle-même recommande l’usage de cet outil afin de lutter contre les discriminations. 12. N’y aurait-il pas de meilleure solution pour lutter contre les discriminations ? Sans doute, mais jusqu’ici, on n’en a pas encore trouvé. En général, ceux qui s’opposent aux outils statistiques n’ont pas meilleure solution à proposer à la place. C’est donc qu’ils sont favorables au statu quo et à l’immobilisme. De fait, aucune des méthodes utilisées par le passé ne s’est révélée véritablement efficace pour lutter contre les discriminations. Les statistiques de la diversité n’ont jamais été utilisées en France, et on a préféré pratiquer la politique de l’autruche. Aujourd’hui, il faut regarder la réalité en face. Quelles que soient les politiques publiques mises en oeuvre, elles ont besoin d’être évaluées pour faire la preuve de leur efficacité. Les statistiques de la diversité permettraient justement d’évaluer les éventuels progrès. 13. La société française est-elle prête à accueillir cette mesure ? Oui,... L’idée gagne rapidement du terrain en France et en Europe. Beaucoup de personnes qui étaient un peu réservé e s comprennent aujourd’hui la nécessité de cet outil afin de promouvoir l’égalité. Un sondage Eurobaromètre rendu public le 23 janvier 2007, indique qu’une majorité de citoyens de l’Union européenne (75 %) se disent prêts à fournir des informations sur leur origine ethnique, pourvu que l’anonymat soit respecté et dans le but de lutter contre les discriminations. L’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes le regrette, puisqu’il ne peut disposer de statistiques officielles européennes 14. Quelle est la position des populations noires à ce sujet ? ... Une récente étude de l’Institut National des Etudes Démographiques (INED) a montré que les populations noires sont majoritairement favorables aux statistiques de la diversité en France... 15. Au fait, combien y a t-il de Noirs en France ? Les estimations couramment avancées varient de 2 à 5 millions, mais il n’y a pas de certitude à cet égard, les chiffres variant de simple au double, ce qui est problématique. D’où l’intérêt des statistiques de la diversité sur cette question. 16. Comment se fait-il que les résistances aient été si fortes en France ? Le fait est que la loi française interdit encore aujourd’hui les statistiques de la diversité, et pendant longtemps, cette question a été négligée. Cela s’explique sans doute par les craintes liées au souvenir de la 2 ème guerre Mondiale, et par le peu d’intérêt manifesté jusqu’ici pour la question de la discrimination. Heureusement, depuis quelque temps, on a compris en France l’importance de ces questions, et on cherche de plus en plus à identifier les outils efficaces pour lutter contre la discrimination : la statistique est l’un de ces outils-là. 17. Est-ce que les statistiques de la diversité permettront de mettre fin aux discriminations ? Pas totalement, bien sûr. Le combat contre la discrimination est une lutte sans fin, et il importe de demeurer toujours vigilant. Mais les statistiques sont du moins un formidable outil, car elles permettent d’évaluer les progrès accomplis en matière de lutte pour l’égalité des chances. Le Monde , 25 janvier 2007 Patrick Simon et Martin Clément dans le n° 425, juillet-août 2006, de Population & Sociétés de l’INED
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