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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Santé : l’hôpital public au bout du rouleau

Source : Politis / 07/09/2005

- Par Hélène Vaillé

Les maux dont souffre le système hospitalier étaient prévisibles. Très tôt, des signaux d’alerte ont été lancés, des solutions suggérées. Sans écho ni relais. Des sociologues, des médecins et des soignants s’interrogent : existe-t-il une politique de santé publique en France ?

Des conditions de travail déplorables, pour un personnel au bord de l’épuisement et au moral ravagé ; des contraintes budgétaires insupportables, injustement appliquées, qui accentuent les inégalités entre régions, hôpitaux, services et, bientôt, entre patients.

Le diagnostic est unanime : l’hôpital va mal, et les choses ne sont pas près de s’améliorer. Comment le « meilleur système de soins au monde » en est-il arrivé là ?


L’hôpital public tel que nous le connaissons aujourd’hui n’a pas plus d’un demi-siècle. Son rôle était autrefois social et d’utilité publique. Il prenait en charge les malades « indigents » dans des conditions souvent lamentables, tandis que la population aisée se faisait soigner dans les cliniques privées. Dans l’entre-deux-guerres, les progrès fulgurants de la médecine changent complètement la donne.

L’hôpital public ­ le seul à pouvoir s’offrir les derniers équipements médicaux ­ élargit sa clientèle. Il devient le lieu d’exercice d’une médecine de pointe, publique et privée. En 1958, la « réforme Debré » crée les fameux Centres hospitalo-universitaires (CHU), lieux de recherche réunissant praticiens et universitaires. L’hôpital, secteur économique en pleine croissance, devient alors un pôle d’excellence médicale.

Mais la machine s’emballe, les avancées techniques sont coûteuses et l’on consomme toujours plus de soins. À la fin des années 1970, l’hôpital apparaît comme une source de dépenses qu’il faut désormais rationaliser et rationner (1).

Les politiques de réformes qui s’engagent alors sont axées sur un meilleur contrôle économique et une meilleure qualité des soins. Or les nouvelles exigences de rendement décidées en « des lieux lointains et nombreux » sont difficilement conciliables avec le rôle social de l’hôpital, alourdi par l’absence de relais extérieur.

Une quadrature du cercle, imposée dans le double langage des hommes politiques, tel que l’analyse Denis Labayle, chef de service à l’hôpital d’Evry (2) : « Un langage officiel ­ "Vous devez faire des économies" ­ et un langage officieux ­ "Vous devez prendre en charge toutes nos insuffisances sociales et toutes nos craintes sanitaires..." Sans oublier le patois local : "Des économies ? Soit, mais pas sur ma commune." » Hypocrisie politique et pusillanimités dictent, depuis dix ans, d’impossibles conditions de travail au personnel soignant.

Ainsi, pour freiner la demande, on décide de restreindre l’offre de soins en ville et à l’hôpital, en réduisant le nombre de lits, de médecins et d’infirmières, puis en limitant le numerus clausus des professions médicales et en fermant des écoles de formation.

Quelle mouche a donc piqué les hommes politiques et les économistes ? D’ici à 2020, le manque de professionnels s’annonce considérable : on estime à 25% la baisse du nombre de généralistes et de spécialistes, avec des pics pour certaines spécialités comme l’anesthésie ou la pédiatrie(3).

Cette mesure, prise sans projection dans l’avenir, sans tenir compte du papy-boom et de la durée des études médicales, paraît aberrante. Déjà, « 45 % des soignants des hôpitaux locaux (structures les plus défavorisées) se plaignent de l’absence fréquente, voire très fréquente, d’un médecin lors d’une urgence(4) ».

Denis Labayle explique que « jusqu’en juin 2001, les hommes qui géraient la santé publique en France ne disposaient pas des données minimales sur la démographie médicale. Comment, avec de telles lacunes, un ministère de la santé peut-il faire des prévisions sérieuses ? ».

L’absurdité des mesures économiques appliquées à l’hôpital ne s’arrête pas là. Pour réguler le fameux budget global de financement des hôpitaux, qualifié d’injuste et d’inadapté, le gouvernement a récemment doté chaque établissement d’un système informatique, visant à quantifier les soins.

Chaque maladie et chaque examen sont désormais signalés et codifiés en termes de coût financier. La somme des points ainsi obtenus sert d’élément économique de référence pour ajuster le budget de chaque hôpital.

Ces chiffres, outre qu’ils préparent de nouvelles inégalités ­ en incitant les établissements à sélectionner les seuls patients « rentables » ­ ne correspondent à aucune réalité. Une intervention médicale ne se réduit en effet ni à son acte technique ni à ses outils.

Elle s’accompagne de soins divers (écoute, parole, toilette, rapports avec la famille etc.), difficilement quantifiables. « Plutôt que de cocher « prise de sang » sur la fiche de transmission, on aimerait parfois parler de ce patient difficile, qui nous a occupées plusieurs heures », regrette Juliette, infirmière à l’hôpital Foch.

À cette rigueur économique s’ajoute enfin l’exigence d’une « qualité » des soins, traquée par les contrôles incessants de conformité et d’accréditation, le respect des bonnes pratiques médicales, la formation continue, la traçabilité des actes. Débordés par ces tâches administratives, les soignants sont amenés à négliger certaines prises en charge, au nom de la qualité ! Denis Labayle déplore un monde politique « qui gère au jour le jour le problème hospitalier sans grand projet, sans grande réforme, sans grande idée.

Il a abdiqué son rôle d’inventeur de solutions sociales pour s’en remettre les yeux fermés à ses conseillers permanents qui réfléchissent, écrivent des articles, discourent de colloque en colloque sur l’hôpital mais n’y mettent jamais les pieds. Ce sont eux les vrais maîtres de l’institution. Des maîtres fantômes », qui privilégient la technique médicale au détriment des relations humaines.

Lire la suite dans Politis n°779

(1) L’Impossible Politique de santé publique en France, Marc Loriol, Erès, mars 2002.Loriol, Erès, mars 2002.

(2) Tempête sur l’hôpital, Denis Labayle, Seuil, septembre 2002.

(3) Rapport sur la démographie médicale, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, juin 2001.)

(4) Marc Loriol, Gestions Hospitalières,n°429, oct 2003

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