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Loi Perben 2 : la justice bafouée

Source : Politis / le 06/12/2005
- Raphaëlle Besse Desmoulières, Thierry Brun et Marion Dumand

La loi Perben II, qui bouleverse la tradition judiciaire française, inquiète les défenseurs des Droits de l’homme. L’arsenal judiciaire de ce texte renforce à l’excès les pouvoirs de la police et des magistrats du parquet, soumis au pouvoir exécutif, au détriment des libertés et des droits de la défense. Rappel de ses principales dispositions.


Qui sera concerné ?

Si l’on s’en tient à son intitulé, cette loi sur « la criminalité organisée » devrait servir uniquement à lutter contre les réseaux mafieux, les pouvoirs considérables qu’il donne à la police et aux magistrats du parquet étant justifiés par la gravité des infractions commises.

Il n’en est rien. Considérée comme une circonstance aggravante de certains crimes et délits, la notion de « bande organisée » existe déjà dans le code pénal (article 132-71) : elle désigne « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou plusieurs infractions ».

Cette définition particulièrement floue est grosse de dangers. Rien ne s’oppose à ce qu’elle soit utilisée pour de multiples crimes et délits, y compris pour des mineurs. Deux jeunes qui volent un vélo à l’aide d’une pince constituent déjà une « bande organisée ».

Pouvoirs de police renforcés

Le projet de loi Perben II augmente de façon considérable les pouvoirs d’investigation de la police. Outre la garde à vue qui passe à quatre jours, la police pourra également installer micros et caméras dans des domiciles privés, effectuer des perquisitions de nuit et rémunérer ses indicateurs. C’est elle qui décidera de l’application de ces mesures en qualifiant par exemple un vol de voiture d’infraction en bande organisée, une procédure que les policiers pourront choisir sans crainte.

En effet, s’il s’avère qu’ils se sont trompés et que l’affaire ne relève pas de la criminalité organisée, cette erreur de qualification ne constituera pas une cause de nullité de la procédure. L’infraction sera requalifiée et tant pis si les prévenus ont passé quatre jours en garde à vue ou ont été mis sur écoute.

Enfin, la possibilité pour les policiers d’infiltrer des réseaux, jusqu’alors limitée aux affaires de terrorisme et de stupéfiants, est étendue. Désormais, ils seront autorisés à se faire passer pour receleur ou complice des infractions.

Ils n’auront pas le droit d’inciter au délit mais pourront mettre à la disposition des personnes suspectées les moyens (financiers, juridiques, transport...) dont elles ont besoin. Toutefois, suite à un amendement sénatorial, aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le seul fondement des déclarations de policiers infiltrés, sauf s’ils témoignent sous leur véritable identité.

Condamnés sans jugement

Les auteurs d’infractions sexuelles vont être répertoriés dans un fichier national, pour une durée allant de vingt à trente ans. Cette présomption de culpabilité est d’autant plus inquiétante qu’y seront également soumis les mis en examen (dans l’attente de leur jugement), les mineurs de moins de treize ans et les personnes acquittées ou relaxées pour irresponsabilité.

Autre disposition contestée : l’accès à un avocat, jusque-là garanti à la première heure, ne sera possible qu’après 36 heures de garde à vue. Nul doute que cette durée encouragera les prévenus à opter pour le « plaider coupable ».

Cette disposition, la plus innovante de la loi, est inspirée du système américain. Elle concerne les délits et les crimes entraînant des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Accompagné par son avocat, le « plaidant coupable » sera déféré devant le procureur qui décidera de la peine, ne pouvant excéder un an de prison. À la trappe donc le procès pénal et public, avec la présomption d’innocence, la discussion des preuves et l’impartialité des juges. Mais pour les prévenus qui redoutent la publicité des débats, le « plaider coupable » offrira l’avantage de s’effectuer à huis clos...

Justice sous contrôle

Dans la procédure du « plaider coupable », le juge se limite à homologuer publiquement la sanction prononcée par le procureur. Il voit ainsi son rôle réduit à celui d’un greffier. En cas de refus de la décision, le prévenu passe en jugement, sans que le juge ne puisse avoir accès à ce qui a été dit lors de la procédure précédente.

A contrario, les procureurs généraux voient leur rôle s’accroître, et plus particulièrement ceux qui seront rattachés aux sept nouveaux pôles mis en place pour lutter contre la grande criminalité : ils concentreront les pouvoirs de poursuite et de condamnation... Ce faisant, la loi Perben II marginalise le pouvoir des juges au profit du parquet. On peut craindre un contrôle accru du parquet, qui dépend du garde des Sceaux et des procureurs généraux, nommés en Conseil des ministres.

Ce qui remettrait en cause la notion même de justice, reposant sur la séparation du politique et du judiciaire.

Corruption financière ignorée

Aucun des aspects de la loi Perben II n’aborde de front la grande criminalité financière. Pire, le « plaider coupable » et l’absence de condamnation en échange de certaines obligations, comme rembourser les victimes, risque de faciliter l’enterrement d’affaires politiques et financières. Les récents propos de Dominique Perben rapportés par Le Monde (10 février), démentis par le garde des Sceaux, en constituent une illustration flagrante.

Le ministre aurait évoqué une étude en cours pour examiner les conséquences judiciaires pour l’avenir d’Alain Juppé d’un remboursement des sommes dues à la Ville de Paris dans l’affaire des emplois fictifs du RPR. Que l’étude soit menée par la chancellerie (ce qui serait scandaleux et explique le démenti de M. Perben) ou par un collectif d’avocats ne change rien au fond : la possibilité d’échapper à la justice contre un gros chèque est désormais envisageable.

En fait, la loi Perben II n’améliore en rien l’efficacité de la lutte contre la grande criminalité financière au prétexte de ne pas porter atteinte à la libre circulation des produits et des services. Ainsi, les places offshore et les paradis bancaires, en France et en Europe, ont pour points communs de figurer dans les récents scandales financiers nationaux et internationaux (de Vivendi en passant par Enron).

Ils paralysent les enquêtes des pôles financiers de justice qui ne disposent que de faibles moyens. Comme le dit le magistrat Eric Alt, dans une contribution à un colloque d’Attac au Sénat en 2002, « les paradis fiscaux sont bien plus que certaines banlieues des zones de non-droit. Mais le temps est encore à la surenchère électoraliste en matière de répression de proximité et à la sous-évaluation d’une délinquance économique souvent invisible. »

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