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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Non à la fusion Euronext / Nyse

Source : Montebourg.net/ Le 28 novembre 2006
- Par Arnaud Montebourg, député de Saône et Loire

L’impérialisme américain passera-t-il par la Bourse ?

On a laissé les Bourses devenir des entreprises privées. Euronext, la Bourse paneuropéenne, est ainsi coté... sur Euronext. Et il s’est maintenant engagé, de son propre chef, dans un projet de « fusion » avec la Bourse de New York, le Nyse. Peut-on accepter qu’Euronext devienne une simple filiale du Nyse ? « C’est une fusion entre égaux ! », se défend Euronext, pourtant bien placé pour savoir qu’il n’existe aucun précédent de rapprochement « égalitaire » entre deux entreprises de taille si différente. Le Nyse, pour amadouer les Européens, a certes accepté que le conseil d’administration du nouvel ensemble soit composé à parité d’Américains et d’Européens. Mais qu’est-ce qu’un « Européen », au sens des accords qui seront conclus ? Toute personne qui réside en Europe depuis plus d’un an... Et qui désignera tous les ans ces représentants « européens » ? Les actionnaires du nouvel ensemble, qui seront à 60 % les anciens actionnaires du Nyse...

Nombreux sont ceux qui constatent que le schéma proposé ne garantit en rien la pérennité des dirigeants provenant d’Euronext. Euronext se fait donc purement et simplement racheter par le Nyse, et « Nyse-Euronext », le holding de tête, sera une société américaine installée au siège social du Nyse. La SEC s’en réjouit officiellement. La Commission européenne n’en pense rien. Le gouvernement français non plus. Il a abdiqué son pouvoir de décision en la matière au profit d’une autorité administrative indépendante, l’Autorité des marchés financiers, qui, dit-on, serait séduite par l’idée de ce rachat. Notre consternation est totale.


Car les Bourses ne sont pas des entreprises comme les autres. Devraient-elles l’être d’ailleurs comme nombre d’outils de régulation défaillants ? Elles sont l’une des clefs du financement de l’économie. Elles participent activement à l’élaboration des règles et usages qui déterminent l’environnement juridique des sociétés cotées. Elles sont un des instruments de la souveraineté économique. Euronext n’est pas n’importe quelle Bourse : il est le résultat et l’instrument d’une construction européenne par le bas. Né du rapprochement des places de Paris, Bruxelles, Amsterdam, Londres (pour le Liffe) et Lisbonne, il a vocation à accueillir en son sein les autres grandes places européennes pour devenir la Bourse européenne de référence. C’est une construction volontariste, décentralisée et efficace, fondée sur une harmonisation des règles de marché et du cadre réglementaire. Euronext permet à l’Europe de décider de son destin dans un cadre où la régulation financière peut être maîtrisée et mise au service du développement des entreprises. Et l’on voudrait transformer ce succès européen en filiale américaine ?

En réalité, que propose le Nyse ? Une opération dangereuse, parce qu’elle constitue le cheval de Troie de l’impérialisme juridique américain. Il faut le rappeler : qui énonce les règles dicte sa loi... Le droit, c’est de la souveraineté. Faire d’Euronext une filiale du Nyse, c’est donner aux Etats-Unis le pouvoir de s’immiscer dans la détermination des règles qui gouvernent nos entreprises. Or le droit américain n’a pas empêché les scandales WorldCom ou Enron. Certes, le Nyse prétend mettre Euronext à l’abri de cet impérialisme en donnant à une fondation néerlandaise, constituée pour l’occasion, le soi-disant pouvoir de s’y opposer. Une simple lecture du contrat entre le Nyse et Euronext montre que, de nouveau, il s’agit de faux-semblants. C’est aussi la conclusion de trois anciens membres de la SEC - dont son ancien président, Harvey Pitt -, qui, au terme d’une analyse serrée, considèrent illusoire la protection proposée. On n’en donnera ici que quelques exemples, tirés des 700 pages de la documentation officiellement publiée aux Etats-Unis sur le sujet. Tout d’abord, la fondation ne sera pas indépendante : ses trois dirigeants seront désignés par Nyse-Euronext (les régulateurs européens disposant d’un simple droit de veto) et pourront être révoqués par Nyse-Euronext (sans contrôle des mêmes régulateurs). Ils devront agir dans le seul intérêt de Nyse-Euronext et non d’Euronext. Ensuite, la fondation ne pourra agir qu’en cas de modifications futures du droit américain, ayant un effet « significativement défavorable » sur une proportion « substantielle » des émetteurs cotés sur Euronext. Ainsi, rien n’est prévu si Nyse-Euronext adopte « volontairement » des règles sous la pression de la SEC - comme cela arrive fréquemment. Et rien n’empêchera la SEC de faire une application extraterritoriale du droit américain existant, en invoquant, par exemple, les opérations (déjà annoncées) tendant à rapprocher le Nyse et Euronext.

Tout cela est technique, j’en conviens - mais l’Autorité des marchés financiers est-elle rentrée dans ces considérations, essentielles à l’appréciation de l’opération ? Cette institution vante sa compétence technique pour asseoir sa légitimité. A- t-elle lu toute la documentation, consulté toutes les parties prenantes, pris la mesure des responsabilités historiques qui lui ont été conférées ? A quoi servirait une autorité indépendante qui organiserait notre dépendance à l’égard de nos adversaires dans cette guerre économique qui nous est faite ? Il faudra réfléchir sérieusement à un retour de la souveraineté dans la prise de décisions aussi importantes. Le Nyse et Euronext ont expressément conditionné leur rapprochement à l’absence d’opposition de l’Autorité des marchés financiers et du ministère de l’Economie et des Finances. L’AMF est actuellement saisie du dossier. Elle doit prendre ses responsabilités : l’indépendance perdue d’Euronext ne reviendra pas.



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