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Quelle hospitalité pour la Folie ?Source : Collectif Psychiatrie / 1er septembre 2010 Un projet de loi de réforme de la loi du 27 Juin 1990 va être débattu au Parlement à l’automne, « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge ». Trois mots résument ce projet qui s’inscrit dans le droit fil du discours sécuritaire du Président de la République à Antony le 2 décembre 2008. Imposture, Illusion, et Régression. ImpostureCar ce texte détourne, pervertit le mot « soin ». Sous le prétexte « d’améliorer l’accès aux soins et de garantir la continuité des soins », il met en place une logique de contrôle et de surveillance aux antipodes d’une approche qui permette de tisser une relation thérapeutique. Il est articulé essentiellement uniquement (pas un article ne concerne les soins sans contrainte !) autour de la dangerosité. Avec la notion de soins sans consentement, qui remplace celle d’hospitalisation, il instaure une « garde à vue psychiatrique » de 72 h. qui pourra passer à 6 jours avec le délai dont disposerait le Préfet pour rendre son avis. Avec l’instauration des soins sans consentement, il s’agit d’un saut, d’une rupture avec la conception des soins psychiques et des libertés analogue à celle de la loi de février 2008 sur la rétention de sûreté ! À aucun moment, il n’est question des hospitalisations libres ou des soins librement consentis, alors que ceux-ci représentent 80 % des situations cliniques. Imposture enfin, car il s’appuie sur un pseudo - consensus des syndicats et des associations professionnelles, qui pour la plupart ont dénoncé cette loi comme une loi sécuritaire et non sanitaire. IllusionCar elle laisse croire aux familles que cette loi « répondra enfin » à leurs inquiétudes, leurs désarrois, leurs impasses dans les situations complexes. Car elle veut faire croire à l’opinion publique qu’avec cette loi, le risque zéro drame sera possible ! Car elle veut faire croire que le traitement médicamenteux est le seul garant et le seul à même de soigner les maladies mentales. RégressionCar il s’agit d’un renforcement de l’hospitalocentrisme, avec la mise en place systématique d’une hospitalisation à plein temps inaugurale pendant au minimum trois jours. Car, de ce fait, elle conduirait à la fermeture systématique des services d’hospitalisation. Car elle instaure des assouplissements pour les entrées et un durcissement des procédures de sortie. Car « les soins sans consentement en ambulatoire » assortis d’une obligation à accepter visites et consultations seraient sous - tendus par une menace de réhospitalisation par la force publique ! Car il instaure sans le dire un fichier psychiatrique (équivalent du casier judiciaire) : le médecin, demandant que le patient bénéficie du droit commun, devra systématiquement rappeler tous les antécédents d’hospitalisation sous contrainte. Ce projet de loi est inacceptable !Le Collectif des 39 appelle à un grand débat national de société sur l’hospitalité pour la folie, qui définisse une nouvelle politique de soins en psychiatrie : * Quelle conception de la folie ? Le 2 décembre 2008, dans une enceinte psychiatrique hospitalière, se saisissant d’un crime pourtant très rare commis par un patient diagnostiqué comme schizophrène, le président Sarkozy a annoncé un plan pour la psychiatrie aux conséquences dévastatrices. Dans ce discours, les fondements même de la psychiatrie ont été attaqués avec la plus grande brutalité, celle qui amadoue pour mieux exécuter. Il aura suffi d’un fait divers dramatique pour relancer une politique de la peur dont le projet de centres de rétention de sûreté tout comme les soins sans consentement en ambulatoire sont le parachèvement. En amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale, en assimilant d’une façon calculée la maladie mentale à la délinquance, est justifié un plan de mesures sécuritaires inacceptables. Alors que les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation, une seule réponse leur a été opposée : attention danger, sécurisez, enfermez, obligez, et surtout n’oubliez pas que votre responsabilité sera engagée en cas « de dérapage ». Un pas vient d’être franchi, l’heure est trop grave pour que la résignation l’emporte.Que peut signifier cette prétendue méconnaissance, en réalité cette volonté délibérée d’ignorer les réalités de la psychiatrie ? Il y a les faits, il y a les chiffres : le rapport de la Commission « Violence et santé mentale » dénombre qu’en 2005 sur 51 411 mis en examen dans des affaires pénales (crime ou délit) 212 ont bénéficié d’un non-lieu pour irresponsabilité mentale, c’est à dire 0,4 % des crimes et délits ! Mais en revanche, la prévalence des crimes violents contre les patients psychiatriques est 11,8 fois plus importante que par rapport à la population générale. La proportion des vols à leur encontre est 140 fois plus importante ! Nous, soignants en psychiatrie, n’acceptons pas que la plus haute autorité de l’État répande de tels propos, qui laisseraient croire que les personnes atteintes de troubles psychiques font bien plus souffrir la société que celle-ci ne les aliène. Nous n’acceptons pas non plus que ces citoyens soient jetés en pâture à la vindicte populaire pour maintenir de manière forcenée, irresponsable, le ferment de la peur. « La politique de civilisation » annoncée est une politique de « rupture » du lien car elle tente de bafouer les solidarités sociales qui ont permis de sortir du grand enfermement de la folie. Il n’y a pas d’exercice possible de la psychiatrie sans respect constant des valeurs de la République : celles qui en énonçant le respect de la séparation des pouvoirs permettent à la démocratie de rassembler solidairement afin de ne pas exclure les plus démunis. Devant tant de « dangerosité » construite, la psychiatrie se verrait-elle expropriée de sa fonction soignante, pour redevenir la gardienne de l’ordre social ? Nous, citoyens, psychiatres, professionnels du soin, du travail social, refusons de servir de caution à cette dérive idéologique de notre société. Nous refusons de trahir notre responsabilité citoyenne et notre éthique des soins dans des compromissions indignes et inacceptables. Nous refusons de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale. Nous refusons d’être instrumentalisés dans une logique de surveillance et de séquestration. Pour maintenir la fonction soignante en articulation permanente entre le singulier et le collectif, nous refusons l’aveuglement d’une supposée culture de l’efficacité immédiate concernant des problèmes qui n’existent que peu. Dans le champ de la psychiatrie, des actions s’opposent à la normalisation des enseignements (sauvons la clinique), des pratiques prédictives (pas de zéro de conduite), des dérives scientistes assignant à la psychiatrie le devoir de prévoir l’avenir (non à la perpétuité sur ordonnance, politique de la peur). Nous soutenons et accompagnerons toute perspective de regroupement de ces initiatives car elles vont toutes dans le même sens : défendre et soutenir la dignité des patients qui nous sont confiés ou qui se confient à nous. Faudrait-il que nous entrions en résistance par la désobéissance civile, pour soutenir la possibilité d’une psychiatrie au service des sujets en souffrance, respectueuse du sens de leur existence, et non une psychiatrie servant au maintien de l’ordre sécuritaire stigmate de l’asservissement de la population par la peur ? « Il faut de la crainte dans un gouvernement despotique : pour la vertu, elle n’y est point nécessaire, et l’honneur y serait dangereux. » Montesquieu 3ème Meeting National du Collectif "Psyschiatrie, la nuit sécuritaire" Samedi 25 Septembre 2010 De 10h à 17h Lieu :Villejuif
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