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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

ils ont sifflé la Marseillaise !

Source : LdH-Toulon
- Par Alain Ruscio / jeudi 16 octobre 2008

Mardi 14 octobre, au cours du match amical France-Tunisie, La Marseillaise a été sifflée. Derrière l’outrage à l’hymne national — mais est-il bien justifié de le jouer lors de rencontres sportives ? — on ne peut ignorer ce que ces sifflets expriment :
le sentiment de rejet et le désarroi des jeunes issus de l’immigration, l’échec lancinant et corrosif de leur intégration à la communauté républicaine. [1]

L’historien Alain Ruscio [2] et le journaliste Thierry Leclère réagissent.

Sur des sifflets insupportables… et explicables


Le 14 octobre, j’étais, comme des millions de Français, devant mon poste de télévision pour regarder quelques images de sport. J’ai, comme beaucoup, apprécié l’entrée sur le terrain des footballeux mêlés, Tunisiens et Français, même si les calculs de la société du spectacle étaient un peu visibles.

Moi aussi, j’ai râlé en entendant les premiers sifflets lors de la Marseillaise. Et même, tiens, j’ai boycotté le match dès les premières minutes, constatant non sans rage l’imbécillité de cette hostilité systématique à l’équipe française. Je crois que, si j’avais été sondé à ce moment par téléphone, j’aurais fait partie de ceux qui condamnaient. On a droit après tout à ses petites faiblesses.

Mais depuis quand l’épiderme, dans le corps humain, est-il au pouvoir ? N’avons-nous pas un cerveau ? Chacun son rôle.

En écoutant nos politiques, en lisant la presse, hier et ce matin, je me suis demandé si ces rôles n’avaient pas été inversés. Holà ! On se calme !

La constatation de départ peut être partagée par tous : une partie des Jeunes de banlieue (cette périphrase gênée pour dire : Arabes) ne se sent pas, ne se sent plus concernée par le pays dans lequel elle vit, son pays, la France.

Le chœur des outrés s’exclame : c’est insupportable. Oui, c’est insupportable.

Oui mais.

La bonne question est : Pourquoi ?
Pourquoi, donc, une partie des Français ne se sentent-ils pas… Français ?

C’est parce qu’ils savent, plus ou moins confusément, que ce pays n’a toujours pas réglé la question du racisme. Et que le racisme à la française a planté ses racines – entre autres, mais surtout – dans notre histoire coloniale.

C’est parce que le pays dans lequel ils vivent a recruté leurs arrière-grands-parents pour combattre en 1914, reconstruire après 1918, recruté leurs grands-parents pour combattre en 1939, reconstruire après 1945, recruté leurs parents, dans les années 60, pour construire les maisons qu’ils ne pouvaient habiter, fabriquer les voitures qu’ils ne pouvaient conduire…

C’est parce que les enfants de Polonais ou d’Italiens n’ont pas à faire sans cesse la preuve qu’ils sont intégrés, qu’ils sont Français. Et pourquoi agit-on autrement avec les enfants de Maghrébins, d’Africains ? Y aura-t-il en 2020 des immigrés de troisième, en 2050 de quatrième générations ? Quand la tache – non : la tare – s’effacera-t-elle ?

C’est parce que le pays dans lequel ils vivent les traite différemment, leur impose un taux de chômage double de celui des autres jeunes Français. C’est parce que Mohamed, habitant du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, a six fois moins de chance d’obtenir un entretien d’embauche que Jean-Pierre, domicilié à Paris. Six fois ! Et même pas pour l’obtention d’un emploi : pour un simple entretien d’embauche !

C’est parce qu’on ne la leur fait pas, qu’ils savent bien que la présence d’une Rachida Dati, d’une Fadela Amara, d’une Rama Yade dans une équipe n’en fait pas un gouvernement de la vraie diversité, pas plus que celle d’un Bernard Kouchner n’a la moindre chance de le tirer à gauche. L’effet escompté n’a pas eu lieu, et c’est normal : la ficelle était trop voyante.

S’ils sifflent La Marseillaise, c’est que le vécu de trois ou quatre générations, entassé comme par strates successives, arrive désormais à fleur de cœur, à fleur de peau, à fleur de lèvres : et si ce sang impur dénoncé par l’hymne national était le leur ?

Dans ces conditions, le vote de la loi de février 2005 sur les effets positifs de la colonisation, l’état d’urgence, par recours à une loi de la guerre d’Algérie, lors de la révolte des banlieues, les divers dérapages ( ? ) verbaux, de racaille en Kärcher, sont, nous pesons nos mots, au mieux le fait d’irresponsables, au pire celui d’agresseurs. Dans les deux cas, c’est un signe qui dépasse de loin les polémiques du moment. C’est l’avenir de la France, ni plus, ni moins, qui est en cause.

C’est à un jeune auteur, directement concerné par tous les questionnements de ces temps, qu’il faut laisser la parole. Il s’appelle Ahmed Djouder et vient de publier un livre au titre symbolique : Désintégration [3] : « La France, en tant que personne morale, a un honneur à sauver qui doit passer par une reconnaissance de ses oublis et manquements et rectifier le tir. Comment ? En changeant de regard sur nous. En portant sur nous un regard positif et tendre. Un regard positif et tendre. C’est tout. Vous verrez, la France, ce sera le paradis. »

Inch’ Allah !
Alain Ruscio

Notes

[1] Voir l’éditorial du Monde du 17 octobre 2008.

[2] Librement auto-adapté de ma conclusion à l’ouvrage collectif Histoire de la colonisation : Réhabilitations, falsifications et instrumentalisations, sous la direction de Sébastien Jahan & Alain Ruscio, Paris, Ed. Les Indes savantes, 2007. [Note d’Alain Ruscio]

[3] Paris, Stock, 2006.



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