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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Patronat et voyoucratie

Source : Forum Social Tarnais / lundi 1er mars 2004
- par Patrick MIGNARD

Devant ce qui apparaît être une brusque dégradation des relations sociales dans un certain nombre d’entreprises en voie de liquidation, les médias nationaux n’ont pas hésité à juxtaposer ces deux termes.

En marge de l’aspect spectaculaire, typique des médias, il convient de s’interroger sur ce qui est entrain de se passer... assistons nous à une mutation des pratiques sociales et si oui comment l’expliquer ?

METALEUROP, CELLATEX, deux entreprises exemplaires dans lesquelles le patronat liquide brutalement l’activité, sans préavis, sans consultation, sans information du personnel et des autorités, en déménageant les machines pendant les vacances et en laissant en plan l’ensemble du personnel.

Moins graves mais tout aussi précipités les liquidations de DANONE, DAEHOO, les usines PECHINEY en Ariège qui sinistrent toute une vallée.


Tous ces phénomènes c’est un peu comme la météo, ça surprend pour le moment, on se dit que ce n’est pas possible, que c’est unique, mais quand on regarde les observations faites dans le passé on retrouve le même phénomène... et effectivement il n’y a rien de nouveau sous ce soleil... les exemples sont multiples de ces liquidations plus ou moins précipitées à petite ou à grande échelle.

Un processus récurrent

La dégénérescence de la pensée politique à l’échelle collective nous a fait oublier un certain nombre de principes essentiels qui sont à la base du système marchand dans lequel nous vivons... et que nous reproduisons consciencieusement sur le plan politique à l’occasion de chaque élection.

Dans le système marchand, l’entreprise est faite pour valoriser du capital et uniquement pour cela. Ceci a deux conséquences importantes :

  • seul, en droit, l’actionnaire à son mot à dire quand au devenir de l’entreprise, il le fait en assemblée générale des actionnaires et confie ses décisions à la direction de l’entreprise,
  • le salarié n’est qu’un élément de la production, autrement dit sa présence dans l’entreprise est strictement liée à l’utilité qu’il représente au regard du calcul économique auquel procède la direction gestionnaire.

Ceci veut dire une chose très claire : l’entreprise n’a jamais été faite pour créer des emplois, pas plus que pour préserver ceux qui existent.

Or, l’entreprise fonctionne dans un contexte qui l’oblige à ajuster ses moyens de production à ses objectifs de compétitivité au regard de ses concurrents pour pouvoir vendre, donc faire du profit qui permettra d’investir (s’agrandir et perfectionner l’appareil de production) et de rémunérer le capital (dividendes des actionnaires). Ce contexte l’oblige donc à réduire les coûts de production. Mais le salaire est aussi un coût de production. On imagine tout de suite les conséquences d’une telle situation. L’existence de l’emploi est donc aussi précaire que la fidélité de l’entreprise à l’égard de n’importe quel fournisseur.

Ce qui vient d’être dit est essentiel pour comprendre la suite. Il ne s’agit ni d’une hypothèse, ni d’un supposition mais de l’énoncé des principes qui sont à la base de notre système économique.

De la fragilité des "acquis sociaux"

La lutte des salariés depuis le 19e siècle a évidemment atténué la rigueur du raisonnement précédent. Mais attention, elle n’a fait que l’atténuer, en aucun cas ne l’a supprimé. Le principe est et demeure.

Ces acquis sociaux sont en fait des garanties, souvent arrachées par la lutte, sur les salaires, les conditions de travail, la stabilité de l’emploi, et ont pris des formes juridiques et administratives : salaire minimum, conventions collectives, comité hygiène et sécurité, préavis de licenciements, etc... Ces acquis, s’ils ont grandement amélioré les conditions de vie et de travail des salariés n’ont absolument pas changé la nature du rapport salarial, c’est à dire l’instrumentalisation de l’individu au regard des règles du fonctionnement marchand. Autrement dit la nature du système est restée la même et c’est ce que nous avons peu à peu oublié et fini par accepter. D’autre part, au fil du temps, bercés par l’habitude et les discours lénifiants des syndicats et organisations politiques, soit disant progressistes, nous avons acquis la conviction que ces acquis étaient définitifs. Les salariés ont même cru qu’ils avaient des droits sur l’entreprise, erreur fatale qui plonge aujourd’hui les licenciés dans des abîmes d’incompréhension (« La direction n’a pas le droit de nous jeter comme bon lui semble... »).

Il est vrai que tant que le système a pu fonctionner malgré la présence de ces acquis, qui ne sont en aucun cas un droit sur l’entreprise, qu’il avait bien été obligé d’accepter, il a fonctionné sans jamais les remettre ouvertement en question. Son acceptation, de ces acquis, était aussi pour lui une garantie de paix sociale nécessaire au bon fonctionnement des affaires. Son acceptation était aussi liée au fait qu’il n’y avait pas de grands changements économiques qui auraient pu remettre en question cet équilibre économique et social... ceci à duré jusqu’aux années 70.

En effet, un changement important des conditions de la valorisation du capital pouvait remettre en question ce fragile équilibre entre acquis sociaux et exigences du marché. Et c’est exactement ce qui s’est produit et est entrain de se produire.

La mondialisation marchande et ses conséquences

Un des aspects de la mondialisation marchande a été de modifier les conditions de la production et de la distribution.

Au niveau de la production on a pu faire ailleurs qu’en Europe et avec des coûts réduits (matières premières, salaires) d’ou la tendance à la délocalisation qui est entrain de s’accélérer. Le marché de la force de travail est désormais mondial.

Au niveau de la distribution le marché est devenu international ce qui a eu pour conséquence d’accentuer la concurrence ... d’ou ses répercussions sur les conditions de la production.

On peut donc dire que la mondialisation marchande a surdéterminé pour les entreprises l’impératif de rentabilité lié au principe du système marchand de valorisation du capital et ce au détriment des acquis sociaux qui deviennent dés lors un poids encombrant pour le fonctionnement de l’entreprise. Et que l’espèce de consensus mou qui liait salariés, patronat , organisations syndicales et pouvoir d’Etat est entrain de voler en éclat.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la dégradation des relations sociales et les vagues de licenciements massifs en cours. Que des patrons profitent de la conjoncture, de la démobilisation des salariés pour ne plus respecter les quelques acquis sociaux dont nous avons parlé, voire fassent un chantage éhonté à des salariés (AIR LIB par exemple), ne doit pas nous étonner et ce d’autant plus qu’ils savent qu’ils ne risquent pratiquement rien : la structure de leurs entreprises les protège, de même qu’ils savent pertinemment que l’Etat ne fera rien puisqu’il est le garant du fonctionnement de ce système. Face à la grogne des salariés, les politiques vont faire le gros dos en attendant que le temps estompe l’esprit de révolte. Il n’y a certainement et proportionnellement pas plus de patrons voyous que dans le reste de la population.... C’est le système lui même qui est « voyou ».

Il ne s’agit donc pas d’un phénomène local, conjoncturel ou lié à la personnalité de tel ou tel dirigeant d’entreprise, encore moins une responsabilité liée à un quelconque dirigeant politique, mais d’un phénomène lié à la nature même du système marchand. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il n’y a aucune solution dans le cadre de ce système et que la Droite pas plus que la Gauche ne peut dépasser cette situation.

Patrick MIGNARD

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