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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

De l’exploitation du thème de l’insécurité : l’affaire Paul Voise

Extraits de LE CAUCHEMAR MÉDIATIQUE - éd Denoël - 2003 [3]

source : LDH-Toulon / Dimanche 20 février 2006
- par Daniel Schneidermann

« Nous ici, ça va. Mais avec ce qu’on voit à la télé ! » Deux fois, cinq fois, dix fois, la phrase est revenue, dans des reportages télévisés, au cours des jours qui ont suivi le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 [1]

Pourquoi les habitants de tranquilles villages de l’Ain ou du Poitou avaient-ils accordé tant de leurs voix à l’extrême droite ? Toujours la même explication : « Avec ce qu’on voit à la télé ! »

Mais qu’avaient fait les politologues et les journalistes [2] depuis 18 mois, sinon nous resasser que la montée de l’insécurité était une réalité ?

Retour sur un évènement médiatique orchestré par les politiques.


Dimanche 20 février 2005

(Page actualisée le 16 mars 2005)

Tout commence par le lancement en fanfare, le 14 juillet 2001, par le futur candidat Chirac alors président de cohabitation, sur les principales chaînes, du thème de l’insécurité. Dans les jours qui précèdent l’entretien, un autre sujet semble pourtant s’imposer : l’enquête judiciaire sur les voyages payés en liquide par l’ancien maire de Paris, et notamment les confessions d’un ancien agent de voyages qui assure avoir reçu 2,4 millions de francs en liquide en règlement de billets d’avion. Le 10 juillet, la chef de cabinet du président, Annie Lhéritier, chargée de mission à la mairie de Paris de 1988 à 1995, et le sénateur Maurice Ulrich, proche de Jacques Chirac, ont été entendus par les juges. Le 11 juillet, c’est au tour de la fille du président, Claude Chirac.

Mais depuis quelques semaines, les proches du président ont trouvé la parade, grâce à Jean-Marc Lech, président de l’institut de sondages Ipsos et l’un des sondeurs de l’Élysée. En effet, les baromètres d’Ipsos établissent depuis dix-huit mois que l’insécurité est la première préoccupation des Français, devant le chômage. Lech : « Pour François Mitterrand, quand c’était tordu, on cherchait un journal pour publier un sondage sur les attentes des Français vis-à-vis du président de la République. C’est ce que je fais pour le 14 juillet. Je convaincs Le Point de publier un sondage » [4].

C’est d’autant plus facile que Lech travaille depuis une trentaine d’années pour le magazine.« Des habitudes se sont créées. On parle la même langue et c’est utile, particulièrement dans une campagne électorale » [5], explique Catherine Pégard, chef du service politique du Point. Le sondage est donc publié, et ses résultats sans surprise. À la question : « Le président de la République, Jacques Chirac, interviendra à la télévision comme chaque année à l’occasion du 14 Juillet. Parmi les sujets suivants, quels sont ceux que vous souhaitez qu’il aborde en priorité ? », la lutte contre l’insécurité arrive au premier rang (49%), devant les plans sociaux (Marks & Spencer, Bata, LU, AOM-Air Liberté) (40%) et loin devant « les affaires judiciaires où son nom est cité » : 23% [6].

Ne reste plus à Béatrice Schönberg, Élise Lucet et Patrick Poivre d’Arvor qui l’interrogent, ainsi dûment avertis des sujets qui « intéressent les Français », qu’à se conformer aux vœux du sondage, et à se plier, au moins passivement, à l’agenda déterminé par Jacques Chirac, avant d’aborder les « affaires » qui gênent l’ancien maire de Paris.

Une dizaine de minutes après le début de l’entretien - d’une durée approximative de trois quarts d’heure - Jacques Chirac, profitant d’une question générale d’Élise Lucet, lance le thème de l’insécurité.

Élise Lucet : « Quelles sont les grandes réformes qui, d’après vous, restent en panne ? »

Jacques Chirac :« Il y en a à mes yeux beaucoup. Je parlais tout à l’heure de la démocratie. Je disais : il faut décentraliser très largement, donner aux élus, sous le contrôle de l’État, un certain nombre d’attributions qui sont actuellement exercées par des fonctionnaires de l’État, au niveau local et régional. Il faut donner le droit d’expérimentation (...). Je prendrai un exemple concret : la sécurité. La sécurité est un souci, je dirais lancinant, aujourd’hui, pour les Français, et je ne vous cache pas que je suis inquiet, dans ce domaine... très inquiet. La délinquance s’installe, l’insécurité s’installe, se banalise, et quand vous écoutez les Français, ils disent : "Ah ! c’est l’impuissance des pouvoirs publics, c’est l’impunité pour les délinquants..." Il y a là un grand problème, et je pense que ce problème devrait être mieux réglé [s’il était] assumé par les maires. Je le crois ! » Voilà. Ce fut aussi simple que cela.

De la rentrée 2001 au 21 avril 2002, l’insécurité va devenir la vedette des deux principaux journaux télévisés français, ceux qui rassemblent chaque soir quinze millions de téléspectateurs au total. Chaque soir, ce ne seront que voitures incendiées, quartiers à l’abandon, zones de « non-droit ». [...]

Papy Voise, ou l’apothéose nécessaire

Trois jours avant le premier tour de la présidentielle, le 18 avril 2001, un septuagénaire est agressé à Orléans. Selon son récit, deux voyous auraient tenté de le rançonner avant de mettre le feu à son pavillon. C’est TF1 qui, le 19 avril dans son journal de 20 heures, diffuse la première les images émouvantes du visage contusionné du vieillard. « Un autre fait divers inquiétant à Orléans, lance Claire Chazal. C’est un septuagénaire qui a été agressé par deux jeunes qui voulaient lui prendre de l’argent. Ayant refusé de se faire racketter, lui-même a été roué de coups, sa maison a été incendiée ».

« Avec ce qu’on voit à la télé... » Ce soir-là, les téléspectateurs sont servis. Car il est irrésistible, Paul Voise, avec sa gouaille sympathique et émouvante de vieux titi, avec sa belle tête décharnée, et ses grands yeux humides de vieillard sans défense. « ils ont mis le feu à ma maison (pleurs). ils voulaient des sous. Moi j’en ai pas ». Dans un plan de coupe, « on voit à la télé » la journaliste de TF1, accroupie, prendre la main du vieil homme. Une voisine : « Le monsieur, ça faisait la troisième fois qu’il était agressé ». Une autre voisine : « Ici dans le quartier, c’est de pire en pire ».

Jusqu’à présent, rien d’anormal. Un fait divers sans doute banal hélas, mais émouvant, traité dans le cœur d’un journal télévisé. Néanmoins, Claire Chazal ne s’y est pas trompée, qui a jugé le fait divers « inquiétant ». Entendez : il n’est pas simplement navrant en lui-même, il est inquiétant pour la suite, il témoigne d’une évolution inéluctable. Si Paul Voise a été agressé, plus aucun vieillard nécessiteux n’est à l’abri dans son modeste pavillon.

Première gagnée sans doute par cette « inquiétude », TF1 y revient donc logiquement le lendemain soir, veille du premier tour de l’élection, prenant prétexte du « véritable élan de solidarité » déclenché par « cette terrible histoire ». Il est vrai que, de toutes parts, affluent les propositions d’aide pour participer à la reconstruction du pavillon incendié. Mais ce deuxième reportage est surtout l’occasion de « voir encore à la télé » longuement, en gros plan, pleurer Paul Voise, sorti de l’hôpital le samedi matin, pour remercier ses voisins : « De tout cœur, de tout son amour, M. Voise vous dit merci », soupire-t-il en se prenant la tête entre les mains, tandis que la caméra revient sur le visage compatissant de Claire Chazal.

Avec ce deuxième reportage un deuxième soir de suite, on n’est plus seulement dans l’information. Elle aussi vraisemblablement gagnée par « l’inquiétude », France 2, qui avait raté l’information la veille, se joint à la danse en forçant les commentaires, et en évoquant, dans une surenchère d’adjectifs, « la violence stupide et révoltante à Orléans... » En vingt-quatre heures, on est donc passé de « l’inquiétude » à « la révolte ». L’agression de Paul Voise n’est plus un simple fait divers, c’est une affaire, un emblème.

Emballement ? De nombreuses incohérences dans les témoignages de Paul Voise (ainsi il ne donne pas la même description de ses agresseurs à la presse et à la police) restent sur le moment ignorées par les journalistes, qui reproduisent sa version sans la moindre distance.

Emballement ? Aussitôt après le 21 avril, la polémique va enfler. L’élection passée, plusieurs contre-enquêtes, constituant finalement un embryon de « contre-emballement », ont tenté de mettre au jour une « manipulation » autour de l’agression de Paul Voise. Adjoint à la sécurité de la municipalité d’Orléans, Florent Montillot, qui appartient à la Droite libérale-chrétienne, mouvement de Charles Millon, ne s’est-il pas rendu coupable d’une exploitation médiatique effrénée, en rameutant la presse, et en favorisant l’accès des équipes de télévision à l’intérieur de l’hôpital ? « M. Montillot n’aurait-il pas activé les médias par des coups de fil ? » demande avec franchise Régis Guyotat, du Monde [7]. Réponse de l’intéressé : « J’avais autre chose à faire. J’ai passé une grande partie de ma journée à recevoir des appels et à accompagner des journalistes sur les lieux » [8] Ce qui est, il est vrai, une manière de demi-aveu, même si les journalistes n’avaient nul besoin d’un accompagnateur pour leurs reportages. On n’ira pas plus loin.

Il ne reste plus alors qu’à décrire minutieusement la précipitation médiatique. La contre-enquête du Monde multiplie les exemples. Alors que la dépêche AFP relatant l’agression, datée de 12 h 47, est classée non urgente, dès 14 heures une équipe de TF1 est au chevet de Paul Voise, à l’hôpital. Dès 20 h 10, le commissaire Van Agt, patron des services de police du Loiret, est appelé par le cabinet du directeur général de la Police nationale à Paris. La rédaction nationale de France 3 rabroue la rédaction régionale d’Orléans, plus réservée. il est vrai que le premier jour, sans pénétrer à l’hôpital, l’équipe locale de France 3 s’est contentée de tourner quelques images du pavillon calciné et d’interroger quelques voisins.

Faute de découvrir une conspiration crédible, un deuxième soupçon du « contre-emballement » se porte alors sur Paul Voise lui-même. L’agression s’est-elle bien déroulée comme l’a raconté le gentil vieillard ? Sur un trottoir d’Orléans, un reporter du « Vrai Journal » de Canal+ extorque à Paul Voise l’aveu haché qu’il a été condamné, voici quelques années, pour « un problème sexuel. Mais c’était pas méchant (...). Parce que des fois je parlais un peu trop ouvertement avec les gosses » [9]. Mais ni les médias ni évidemment la justice ne vont véritablement creuser cette piste-là.

Ainsi l’emballement Voise garde-t-il son mystère. Mais quel mystère, au fond ? A-t-il vraiment besoin d’explications ? Ne peut-on imaginer que l’emballement ait trop bien« fonctionné » sans chef d’orchestre clandestin ?

L’emballement sur l’insécurité est le crime parfait : il n’a pas d’auteur. Il n’a pas de coupable. Il n’a que des acteurs. Et tous ont parfaitement bonne conscience. Depuis le coup d’envoi du 14 juillet, chaque emballé à sa place a d’excellentes raisons. Jacques Chirac, le 14 juillet 2001, a d’excellentes raisons : il répond aux attentes des électeurs. Les « maires de France » qui, en novembre, consacrent leur congrès à la sécurité ont d’excellentes raisons : leurs électeurs, qui regardent PPDA (ou Chirac), ne leur parlent que de cela. Et puis, les statistiques confirment la hausse de la délinquance.

Les journalistes qui citent ces statistiques sans rappeler la part imputable à l’augmentation du parc de téléphones portables ont d’excellentes raisons : même si les statistiques sont en elles-mêmes opaques, elles traduisent un phénomène réel. Les experts ont d’excellentes raisons : les statistiques leur donnent raison. Lionel Jospin a d’excellentes raisons : il regardait à la télé les manifestations policières. Il lisait les chiffres. Ses électeurs, qui regardaient la télé, ne lui parlaient que de l’insécurité.

Et sur l’affaire Voise, donc, les journalistes de TF1 ont d’excellentes raisons : l’insécurité a été longtemps niée, donc longtemps négligée, dans les années précédentes. Leurs patrons ont de tout aussi bonnes raisons : l’insécurité fait vendre. Les journalistes de France 2 qui galopent derrière TF1 sur le chemin d’Orléans ont d’excellentes raisons : ils ne veulent pas se laisser distancer par TF1.

Le visage tuméfié du gentil vieillard tombait à pic. Comme si la fresque apocalyptique brossée, toute l’année précédente, sur les écrans de télévision, avait besoin de l’image de la victime absolue, faible d’entre les faibles, un vieillard sans ressources, et naturellement dépourvu de toute méfiance, triplement faible, triplement victime, victime idéale. Des ruines du World Trade Center aux ruines du pavillon du quartier de l’Argonne, à Orléans, tout se passe comme si l’emballement des ruines avait galopé en ligne droite, et trouvé son apothéose. L’après-emballement

[...] À propos de Paul Voise, l’enquête n’a jamais débouché. Un suspect a été mis en examen le 28 février 2003, mais laissé en liberté, « comme si on avait des doutes sur sa culpabilité », estime Régis Guyotat dans Le Monde [10]. [...]

Terminons donc par une statistique. Pour « Arrêt sur images », en mai 2002, nous avons procédé à un comptage. Du 1er au 21 avril 2002, nous avons dénombré sur TF1 cinquante-quatre sujets sur l’insécurité, dont 5% de sujets « positifs » (par exemple, mettant en valeur des dispositifs de prévention). Après le 21 avril 2002 et sur une période équivalente de trois semaines, nous avons compté seulement dix sujets sur l’insécurité en général, dont 40% de sujets « positifs ».


Epilogue judiciaire : le 18 février 2005, la justice prononce un non-lieu pour le suspect de l’agression

- par Yves Bordenave et Régis Guyotat (Le Monde daté du 20 février 2005)

Près de trois ans après les faits qui avaient soulevé une forte mobilisation médiatique le juge d’Orléans (Loiret) chargé d’instruire l’affaire Paul Voise a rendu un non-lieu en faveur du jeune Français d’origine marocaine soupçonné d’être l’auteur de l’agression. Le magistrat a estimé que les charges retenues étaient insuffisantes. Interpellé en février 2003, puis mis en examen pour "coups et blessures volontaires, tentatives d’extorsion de fonds sur une personne vulnérable, dégradations et destructions par incendie", ce jeune homme, alors âgé de 22 ans, avait été incarcéré, puis remis en liberté en raison du manque d’éléments à charge.

Cette affaire était survenue deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Le 18 avril 2002, Paul Voise, alors âgé de 72 ans, est agressé dans la masure qui lui sert d’habitation, près de la cité de l’Argonne à Orléans. Il est roué de coups par deux inconnus qui cherchent de l’argent sans en trouver, avant de mettre le feu à la maison. Paul Voise, qui s’était réfugié chez une voisine, est hospitalisé. L’homme est traumatisé, mais son état n’éveille pas d’inquiétudes. Il sort deux jours plus tard.

Alertée par une dépêche de l’Agence France-Presse, le 19 avril 2002 vers 14 heures, une équipe de TF1 réussit à tourner un reportage dans la chambre du centre hospitalier régional d’Orléans où a été admise la victime. Le soir même, la chaîne ouvre son journal de 20 heures avec ce sujet, dans lequel Paul Voise apparaît, pour la première fois, le visage tuméfié. Le lendemain, France 2 réalise un reportage identique. Les images de l’homme, défiguré, passent en boucle à 19 reprises en l’espace de 24 heures sur la chaîne d’information LCI.

"INQUALIFIABLE"

Au terme de la campagne pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2002, largement consacrée aux problèmes de la sécurité, l’affaire était devenue une sorte de symbole. Jacques Chirac avait exprimé, dans un communiqué diffusé via le maire (RPR) d’Orléans, Serge Grouard, son "horreur" devant un acte "inqualifiable".

Au soir du 21 avril, après l’annonce des résultats, qui plaçaient le candidat du Front national Jean-Marie Le Pen en deuxième position derrière Jacques Chirac, plusieurs observateurs s’étaient interrogés sur l’influence qu’elle avait pu exercer dans le choix des électeurs.

En mai 2004, Paul Voise avait emménagé, sous le feu des caméras, dans une nouvelle demeure, reconstruite grâce à des dons venus de la France entière, et à une subvention de la ville d’Orléans. Happy end de courte durée. Sous tutelle, il a semblé dépérir dans son pavillon tout neuf. "Il ne recevait pas ses trois piqûres d’insuline par jour, il refusait les repas à domicile", a indiqué Rhida Khaldi, le président de son comité de soutien, à La République du Centre. A l’automne 2004, il a fallu l’hospitaliser. En janvier, il a été conduit dans une maison de retraite. "On s’est servi de moi", déclare "Popol", amer, à ceux qui viennent le visiter. "Nous suivrons Paul Voise jusqu’au bout. C’est un être bien qui a été cassé !", a ajouté M. Khaldi.

La conclusion de Laurent Mucchielli du groupe Claris dans son commentaire de cet évènement :

Gardons-nous des moralisations du café du commerce et des populismes qui les récupèrent trop facilement. N’incriminons pas « les journalistes » parce que beaucoup ressentent un malaise, parce que beaucoup ne font pas ce qu’ils voudraient pouvoir faire, parce que quelques uns ont par la suite enquêté sur le fond dans cette affaire et parce qu’au final ils ne sont pas les seuls concernés dans ce fiasco. Incriminons par contre d’abord ceux qui exploitent et renforcent à des fins lucratives le fonctionnement d’un système économique qui interdit de faire enquête, d’investiguer, d’aller à la rencontre du réel dans sa complexité. Incriminons ensuite ceux qui ont le pouvoir politique dans ces entreprises, ceux qui définissent les lignes de pensée, la hiérarchie des priorités, les messages, les durées et les formats des reportages. Qu’ils le veuillent ou non, tous ceux-là pensent le monde social et, pour des raisons diverses, se satisfont de la bouillie pour chats que la plupart des chaînes de télévision servent quotidiennement à des dizaines de millions de Français.

Laurent MUCCHIELLI

(Ajouté le 16 mars 2005)

[1] Au soir du 21 avril 2002, les deux candidats qui restent en lices pour le second tour sont : Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen.

[2] Une voix discordante, celle du démographe Emmanuel Todd. « Sur le thème de l’insécurité, j’ai des doutes. Le taux d’homicides en France est plutôt plus bas qu’il y a dix ans et reste un des plus faibles du monde. La délinquance a certes augmenté, comme il est normal dans une période d’expansion économique. On a fini par remarquer que l’axe central du développement de la violence contre les personnes, c’était les vols de téléphone portable, qui sont au cœur de la reprise économique. » (Bruno Causse, Thomas Ferenczi, « Le thème de l’insécurité a pris le relais de la fracture sociale », Le Monde, 10 mars 2002.)

[3] On lira avec intérêt le dossier consacré à cet ouvrage par Olivier Hammam.

[4] Patrick Cohen, Jean-Marc Salmon, 21 avril 2002, contre-enquête sur le choc Le Pen, Denoël, 2003.

[5] Id.

[6] Carl Meeus, « La campagne est lancée », Le Point, 13 juillet 2001.

[7] Régis Guyotat, « Saint Paul Voise martyr des médias », Le Monde, 23 avril 2003.

[8] Id.

[9] « Le Vrai Journal », Canal+, 2 mars 2003.

[10] Régis Guyotat, cit.

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