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RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Les primo accédants : du rêve au cauchemar.

Source : Jeudi-noir / 17 novembre 2006

Le marché de l’immobilier pourrait ressembler à un mille-feuilles. Il existe une suite de couches d’occupants. Ainsi, lorsqu’on débute dans la vie, on est le plus souvent locataire. Puis, quand les moyens financiers le permettent, on accède à la propriété. C’est le premier achat immobilier : on devient primo accédant. On entre sur le marché de la propriété. Tout le monde ne devient donc pas primo accédant. Ceux qui resteront locataire toute leur vie, ne seront jamais ‘primo’.


Des investissements successifs.

Financièrement le primo accédant va donc insérer de l’argent (et beaucoup !) dans le marché immobilier. L’effort a réaliser est d’autant plus important que les moyens du primo accédant sont souvent plus faibles : il est jeune, il débute dans la vie, il a tout à acheter. La vie faisant son œuvre, la famille du primo s’agrandit, il a des revenus plus importants, il cherche plus de surface... Il doit changer de logement. Pour pouvoir en financer l’achat, il revend son premier logement qui faisait de lui un ‘primo’. Son bien est, souvent, revendu à un autre primo car ce qui lui a convenu par le passé, conviendra à un autre primo. Ce sont souvent des appartements d’entrées de gamme, sans qualité exceptionnelle et sans défaut majeur. L’argent retiré de la vente va permettre d’acheter un logement de meilleure qualité, plus confortable, mieux situé... Il allongera un peu d’argent pour se payer son deuxième bien : il injecte donc encore des fonds dans le marché de l’immobilier.

Il en va ainsi tant que le propriétaire a la volonté et la possibilité de changer de logement : il revend, retire de l’argent de sa vente et ajoute (le plus souvent) encore un peu d’argent pour acquérir son nouveau logement. On remet à chaque fois de l’argent dans le système immobilier. Parfois, le nouveau logement étant plus petit, le propriétaire n’a pas besoin d’injecter de l’argent pour son nouvel achat. Il peut retirer une plus value du marché dans ce cas. En fait, avec les années, chaque proprio a un peu plus de ressources (normalement) et on accède à des logements de plus en plus grands et donc, logiquement, de plus en plus chers. A chaque achat on ajoute un peu d’argent dans le système. Mais le système reste un ensemble cohérent car les prix de chaque vente, achat et revente sont liés. Si on se penche exclusivement sur ces primo accédants, on se rend compte que s’ils n’existent pas...

il n’y a plus de marché immobilier. Le primo achète un logement et donne son argent à un propriétaire. Avec cet argent ce propriétaire va acheter un logement. Il donnera donc de l’argent à un deuxième propriétaire. Ce deuxième propriétaire va acheter un nouveau logement ... etc etc Dans la chaîne d’achat et de vente de l’immobilier il y a obligatoirement un primo accédant. S’il disparaît, aucun des autres propriétaires ne pourra changer de logement (vendre et acheter). La raréfaction des primo touche donc directement la solvabilité de tous les acheteurs. Sans primo, le marché devient un marché clos où des vendeurs déjà propriétaires vendent à d’autres propriétaires : un marché de ce type ne peut pas survivre très longtemps. Sans le primo, point de salut pour le marché immobilier.

Si personne ne peut acheter le logement en début de chaîne, toute la chaîne des acquéreurs/vendeurs n’a pas l’argent nécessaire pour acheter le logement du niveau supérieur. C’est donc tout le système qui s’effondre. Certes 100% des vendeurs ne vendent pas un logement pour acheter un autre logement. Toutefois, regardez autour de vous, une majorité des vendeurs vendent pour acquérir un autre bien immobilier et pas pour jouer en bourse ou s’acheter une voiture de sport. Avant l’accroissement irrationnel des prix, le marché était équilibré : il y avait une somme de primo qui entraient dans le marché et solvabilisaient les acquéreurs des niveaux supérieurs. Aujourd’hui, en excluant une partie des primo, on pénalise tous les acteurs du marché.

Des solutions ?

Il n’y a pas de solutions faciles ou évidentes pour éviter ce problème. Le mieux serait déjà de pouvoir avertir très en amont les accédants, autrement qu’avec des chiffres d’organisme non officiel, chiffre dont personne ne connaît les méthodes de calcul. L’immobilier pourrait tout à fait être intégré à un indice des prix : une bulle immobilière c’est un phénomène inflationniste ! Pour certains notaires, les prêts à taux zéro ont beaucoup favorisé les achats des primo accédants. C’est sans doute vrai mais il ne faut pas oublier que le prêt à taux zéro ne prends en compte qu’une partie du coût total du logement et ne peut bénéficier qu’à une partie des primo accédants. Au final, les répercussions ne sont pas si évidentes. Le prêt à taux zéro a donc permis à une frange de la population P.A (primo accédante) de franchir le pas ou d’acheter un peu plus grand. Cependant, solvabiliser artificiellement une part de la population ne signifie pas que ces personnes sont sauvées...

Dans bien des cas, ce sera même le contraire ! Faire entrer sur un marché irrationnel des primos qui n’auraient normalement pas eu la possibilité d’acheter sans prêt à taux zéro peut engendrer des problèmes ultérieurs, surtout si le marché baisse, si l’investissement est médiocre ou le taux d’effort démesuré. Dès que l’on constate que les profils des acquéreurs se modifient (dans le même temps que les prix) il est fort probable que le marché mute et pas forcément sous une forme très souhaitable. Quand les solutions à ces problèmes deviennent des engagements nationaux ou des offres de l’Etat, on peut considérer que les marchés sont sous perfusions et qu’il n’est plus autonome. Il est malade. Il faut s’en méfier.

Des conséquences sociales disparates.

Le P.A est dans l’obligation de réduire ses prétentions d’achat aujourd’hui. Ainsi, les tensions que nous avons connues ces dernières années ont réduit les possibilités d’achat des primos d’environ 1 pièce entre 2000 et 2005 (indicateur Crédit Foncier ESSEC). Si l’on reprends le cheminement de notre introduction (les achats successifs au cours de sa vie) on constate que notre primo devra en toute logique revendre plus vite son premier bien pour acheter un logement plus confortable. En fait, le primo de 2005, en plus de limiter son confort pour pouvoir acheter, va être obligé de revendre plus vite car il aura acquis un logement moins « polyvalent » pour sa vie future. Pour ceux qui ont récemment investi toutes leurs - futures - économies dans leur logement, cela pourrait être grave en cas de retournement. Il ne faut pas confondre, et certains médias ont fait l’amalgame, « accéder à la propriété » et « améliorer ses conditions de logement » (Expansion 28 septembre 2005). Acheter son logement en s’endettant sur 25 ans c’est signer un contrat de pouvoir payer une somme fixe pour un bien fixe (immobilier). Revendre le logement signifiera rembourser la banque des sommes restants dues. Croire que l’on « investi » dans l’immobilier en achetant son premier logement est utopique car la notion d’investissement se double de la notion de diversification. Mettre 30 % de ses revenus dans le remboursement de son logement pour une période très longue n’est qu’un endettement.

L’investissement c’est retiré des revenus de son bien et ces revenus doivent être arbitré au regard des rendements que l’on trouve sur le marché (bourse, sicav, compte à terme...). Comme le constate l’étude Crédit Foncier-ESSEC : " les ménages primo-accédants célibataires ou les couples sans enfant sont plus touchés par la baisse de la capacité d’achat que les couples avec deux enfants, qui continuent de bénéficier des critères favorables d’attribution du prêt à taux zéro ". Les conséquences sociales ne seront donc pas les mêmes pour tous. Une approche régionale de la même étude révèle que l’Ile-de-France et la région PACA présentent toujours les plus faibles capacités d’achat des PA avec respectivement 40,9 m2 et 42,7 m2. A l’inverse, l’Auvergne devient la région avec la capacité d’achat la plus élevée, de 101,5 m2. En Rhône-Alpes, elle tourne autour de 59,1 m2. Une preuve que les disparités régionales se confirment (les Echos - 2006) Michel Mouillart, professeur à Paris X-Nanterre, rédacteur du rapport de cet Observatoire du financement, et plus connu pour ses affinités avec le groupe F.N.A.I.M et ses chiffres mensuels opaques, explique que les ménages dont les revenus sont inférieurs à trois smic n’ont plus accès au crédit immobilier.

Faute des revenus nécessaires permettant d’emprunter suffisamment, plus de 90 000 acheteurs potentiels ont ainsi été exclus du marché en 2005. Cela touche en premier lieu les jeunes, les ménages modestes et les primo-accédants, qui ne disposent pas du capital constitué par la vente d’un premier bien (on vérifie ici les propos que nous avons donné dans notre introduction). Leur part est passée de 76 % du total des acheteurs en 1998 à 63 % en 2004. L’explication est simple : en six ans, ils ont perdu un quart de leur pouvoir d’achat immobilier.

Des constats d’une mutation du marché.

Il n’est toutefois pas seul à avoir constater une profonde mutation du marché. Le taux d’effort (la part des revenus consacré au logement) est passé de 21% en 1998 à 31% en 2005 (voir beaucoup plus en Ile de France) selon le Crédit Agricole. D’après l’un de leur expert ce sont les primos qui souffrent le plus. « Ils sont clairement sortis du marché à Paris et dans les villes de province, comme Marseille, Lyon ou Lille, ainsi que dans leurs périphéries », affirme Guy Nafylian, PDG de Kaufman & Broad. Autrefois largement majoritaires, leur nombre a dégringolé de 76 à 63%, selon Michel Mouillart, professeur à Paris X-Nanterre, et jusqu’à 56% en Ile-de-France et 55% sur la Côte d’Azur. Isabelle Rey-Lefebvre dans un entretien avec Le Monde du 5 octobre 2004 constatait qu’aujourd’hui, on peut dire que ceux que l’on appelle les primo-accédants sont désolvabilisés en grande partie.

L’introduction du rapport d’information (5 octobre 2005) de Philippe Marini fait au nom de la Commission des Finances révélait : « De ce point de vue, il apparaît de plus en plus clairement, en raison de l’essoufflement des facteurs de hausses des prix et de la dégradation de la solvabilité des ménages, à commencer par celle des primo acquéreurs, que le marché immobilier a atteint, en ce qui concerne les logements, un point haut. [...]Pour acquérir un appartement de 60 m² sans apport personnel à Paris, il faudrait que notre ménage dispose de revenus annuels de 50.000 euros pour un prêt à 30 ans, de 55.000 euros pour un prêt à 25 ans (soit deux fois les revenus moyens d’un ménage) et de 75.000 euros pour un prêt à 15 ans.[...]On comprend donc pourquoi, au moins en ce qui concerne les primo acquéreurs, la capacité d’acquisition des ménages se soit dégradée à un point tel en 2005 que la demande ne puisse désormais que fléchir. Les primo-accédants se voient peu à peu évincés du marché immobilier au profit d’acheteurs dotés d’un apport personnel élevé, généralement du fait d’une revente préalable d’un logement. » Le Nouvel Economiste du 9 juillet 2004 faisait une petite démonstration avec Régis Henry, secrétaire général du Crédit immobilier de France-Bretagne : « Avec 2.000 € disponibles par mois, un ménage peut supporter une mensualité de 660 €. Si le taux est à 5 % sur 20 ans, le capital emprunté atteint 100.000 €. Si le taux est à 6,5 %, le montant de l’emprunt tombe à 88.000 €. Il n’y a alors qu’une solution pour obtenir les 100.000 €, c’est allonger la durée du crédit jusqu’à 24 ans ». Une durée qui, elle aussi, a ses limites. Déjà, nombre de primo-accédants s’endettent pour 25 ans, voire 30 ans. Jean-Pierre Petit, directeur de la Recherche économique et de la Stratégie d’Investissement chez Exane-BNP Paribas constatait que la part des P.A régresse et que, ajouté à une multitude d’autres indicateurs, cela faisait pencher la tendance vers une bulle immobilière.

Il est actuellement fabuleux de constater que personne ne nie la perte des P.A mais la proportion des personnes qui semblent comprendre les répercussions sur le marché immobilier apparaissent incroyablement moins nombreuses. Faisant ainsi suite aux demandes répétées de la Banque De France la plupart des banques françaises ont resserrées leurs possibilités d’octroi d’un prêt (apport perso obligatoire par exemple, expertise du logement systématique pour les cas les plus difficiles...). Après la remonté des taux que nous avons connu, l’éviction des primos à l’acquisition est consommé : ce sont eux qui ont l’apport personnel le plus faible car ils n’ont revendu aucun logement. On sait « officieusement » que les prêts de la Caisse d’Epargne se font avec une marge négative d’environ -0,60% (info d’octobre 2006) au regard de la très forte concurrence entre les banques pendant plusieurs années sur les prêts immobiliers.

On se rend compte que la progression des coûts d’un prêt ira bien plus loin que le simple accroissement des taux de la Banque Centrale Européenne. Il sera intéressant de surveiller ces évolutions dans les trimestres qui viennent car ils joueront parallèlement en défaveur des P.A. Dans le marché du neuf, Alain Dinin, PDG de Nexity, remarque qu’au début des années 2000, les PA représentaient 35 % des ventes de l’entreprise. En 2005, ils ne sont plus que 19%. A Paris, même les quartiers populaires sont devenus trop chers pour les P.A.

Un peu d’intox.

Seul quelques irréductibles tentent encore de faire signer les primos à tout prix. Ainsi, le 6 juillet 2006, l’enseigne d’agences immobilières Century 21 n’hésitait pas à écrire dans sa lettre de tendance du second semestre : « Le marché restera soutenu par les primo-accédants et les classes d’âges les plus jeunes. » et d’écrire plus bas « Pour l’atterrissage des prix, la piste n’est pas encore en vue ». D’un point de vu économique, on notera cette énorme contradiction ! Quand ce type de point de vu est diffusé par un groupement d’agences immobilières (déjà fortement pointé du doigt par ceux qui pensent que l’envolée des prix de l’immobilier est de leur fait) il est fort probable que des comptes soient à rendre dans un proche avenir. Au-delà du simple fait d’acheter, certains primos sont conforté dans leur acte d’achat par les conseilles d’ « Experts » ou d’ « Economistes » qui pensent sortir leur épingle du jeu même en cas de baisse du marché. Ainsi, la moins value, ou la négative equity, n’existera qu’en cas de revente.

On leur faire alors croire qu’il est judicieux de ne pas revendre mais « intelligent » de mettre en location son logement. Les revenus alors dégagés de la location leur permettront de rembourser le prêt d’un second bien ou de son loyer. Ce calcul ne tient souvent pas compte des paramètres essentiels que sont la fiscalité applicable aux locations (et ses évolutions impossible à prévoir), les possibilité de prêt (et le taux) des banques ainsi que le rendement de la location présumée (et ses risques). Au final, louer son premier logement avec un rendement brut de 2% ou 4%, être taxé fiscalement sur cette location, rembourser un prêt parallèlement (en plus du premier si celui-ci n’est pas soldé) et risquer tous les soucis lié à la location (dégradation, contentieux...) n’est pas systématiquement, loin s’en faut, Le Bon Plan.

Conclusion. L’exclusion des primos du marché immobilier est donc réelle. Les répercussions sur les tendances futures, les volumes de vente et les prix, seront - sont - substantielles et sans doute très dures. Les conséquences sociales seront doubles avec d’une part l’exclusion de certains secteurs géographiques au regard des prix et d’autre part par un niveau d’endettement profond, long et difficile à maîtriser (accident de la vie, revente...) dont les répercussions se mesureront encore dans 15 ans. Les aides misent en place pour favoriser leur accès sont parfois dénuées de sens au regard des conséquences parfois inverses de celles désirées.

L’avenir nous dira bientôt s’il était judicieux d’être prudent ou de foncer (ou de faire foncer) tête baisser les primos dans un marché immobilier glouton.

par VTT Déchaîné et Alcid Lid

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