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"Comme une vague en formation"... (Ségolène Royal, investiture, Paris, le 26/11/06)Source : Politis / novembre 2006
Elle / Par procuration / Marche tranquille / Micmac / Occasion historiqueJeudi 23 novembre 2006 ElleDonc, ce sera elle. Ségolène Royal, alias "la Zapatera", alias "la madone des sondages", alias "la Pimprenelle du Poitou". Une femme, avec juste ce qu’il faut de séduction, juste ce qu’il convient de douceur et d’apparente fragilité, juste ce qu’on attend de tranquille assurance. L’âge qu’il faut : celui d’une maturité qui n’a encore rien perdu de l’éclat de la jeunesse ; l’expérience qu’il faut : un déjà long parcours dans les allées du pouvoir, mais sans s’y être usée en première ligne ; le positionnement qu’il faut : au coeur d’un parti de gouvernement, sans s’être jamais mêlée de trop près à sa cuisine interne. La biographie rêvée : l’origine bourgeoise et provinciale, vieille France, mais la rébellion précoce contre l’ordre patriarcal et l’engagement dans le camp du mouvement contre celui du conservatisme ; la stabilité d’une vie de couple, d’un foyer fécond, mais dans la liberté d’un concubinage assumé qui transgresse les codes du conformisme ; l’exemple éclatant de la femme moderne qui a su mener de front maternité et carrière. Sans même parler d’un prénom rare et d’un patronyme, cerise sur le gâteau, qui claque au vent comme un gonfanon. Ils n’ont rien vu venir, bardés de leurs certitudes de mâles dominants. Même le pape du commentaire politique multicarte l’avait oubliée dans son répertoire (bonne retraite, Alain !) Elle n’était qu’une image pour magazine sur papier glacé, une créature médiatique et sondagière, une bulle qui éclaterait au premier vent. L’ironie machiste disait tout : « Mais qui va garder les enfants ? » Suffisait d’attendre un peu. L’été dissiperait les illusions. Puis l’été passa, qui n’avait rien dissipé du tout. Une vague inquiétude commença à percer, vite écartée d’un revers de main : l’heure du débat sonnait, qui démontrerait vite l’inconsistance de la dame. Les débats passèrent, agrémentés de quelques peaux de banane, qui ne démontrèrent rien du tout. Venait enfin l’heure du vote, qui imposerait le deuxième tour, où l’on verrait ce qu’on verrait. On a vu. Pas une victoire, un triomphe. Ne restait plus qu’à se rallier, bonne figure et rage au coeur. Faudra s’y faire : Ségolène est une épée et ils n’ont que des sabres de bois. Par procurationNe pas s’y tromper. La désignation de Ségolène Royal ne concerne en principe que le seul parti socialiste, qu’il perturbe plus qu’on imagine : codes cassés, références envolées, clans et courants éparpillés, façon puzzle. Mais l’onde de choc va bien au-delà : c’est toute la France politique qui est secouée. Ses professionnels de gauche comme de droite, mais aussi le corps électoral, qui vit cette assomption comme une transgression délicieuse. Comme on a pu dire, sur un autre terrain, que les millions de salariés du privé vivaient la grève « par procuration » lors des mouvements de la Fonction publique, il semble bien que les millions d’électeurs ont vécu « par procuration » l’élection de Ségolène par les militants socialistes : dans la droite ligne de leurs rejets successifs et réitérés, à chaque occasion, d’une vieille classe politique démonétisée. C’est l’insolence de la candidate qu’ont plébiscitée les socialistes encartés, le doigt d’honneur brandi au nez des caciques, le refus des règles surannées, des discours convenus et des préséances surfaites : ce refus, ce doigt d’honneur, cette insolence rejoignent et épousent ceux de millions de Français, où qu’ils se situent (ou croient se situer) sur l’échiquier politique. Tiens, et tant pis si je choque, il y a dans ce vote impérial, à la fois du 29 mai 2005 (rejet de la Constitution européenne) et du 21 avril 2002 (Le Pen au second tour). Mais oui ! Marche tranquilleAlors, bien sûr, je n’annonce pas par avance la victoire de Pimprenelle sur Nicolas. La route est encore longue, semée d’embûches. Et bien des événements imprévisibles peuvent surgir notamment une grave crise internationale. Mais je dis qu’elle est devenue possible, cette victoire, voire probable. Je dis que la championne du PS va encore surprendre dans sa campagne (ne serait-ce, déjà, que l’annonce d’une « campagne régionalisée », qui entend rompre avec la tradition du QG parisien), comme elle a surpris dans la précampagne. Je crois que ceux qui parient encore sur des dérapages, des incongruités, des vertiges, ceux-là se trompent. Portée par la vague d’une popularité qui ne peut que croître, mais les pieds bien sur terre, Ségolène va continuer sa marche tranquille, plus soucieuse d’écouter que de promettre : même si, bien sûr, elle va devoir préciser ses intentions et alimenter ses intuitions. Sans renier, sans trop s’en embarrasser non plus, un programme dont elle laissera la promotion au parti pour jouer sa petite musique à elle : c’est la loi du genre. MicmacAlors, j’entends bien les critiques (et d’abord à l’intérieur même de ce journal, où l’on en pinçait plutôt pour Fabius) : Ségolène n’est pas de gauche, Ségolène n’est pas socialiste. C’est à la fois vrai et faux. Notre Pimprenelle est une sorte d’OPNI (objet politique non identifié), ce qui fait qu’elle ratisse large. Duchesse en sabots, énarque atypique, socialiste non conforme ; plus à gauche à certains égards que bien des notables à l’orthodoxie sans faille. Un mélange subtil d’idéalisme delorien et de volontarisme mitterrandiste, un mixte de première et de deuxième gauche, le tout cuisiné à sa sauce si bien qu’elle recrute dans l’une et l’autre, tout en horrifiant, de l’une et de l’autre, les gardiens des temples respectifs. Un sacré cocktail, un sacré micmac, jazz et java copains ! Et c’est ça qui plaît ! Occasion historiqueReste qu’il s’en faut de beaucoup qu’elle soit ma candidate. Je l’ai déjà dit : je voterai, au premier tour, pour un candidat de la gauche antilibérale rassemblée, telle qu’elle s’est rassemblée dans la campagne du référendum contre le traité constitutionnel. Parce que Ségolène Royal reste, malgré ses différences, une européiste convaincue, et que je doute qu’un Montebourg, voire un Chevènement qui semble prêt à rallier ses couleurs, puisse là-dessus la faire changer d’avis. Or ce point de clivage est pour moi essentiel, tant je crois qu’on ne sortira la tête de l’eau sans une remise en cause radicale de l’idéologie et de l’échafaudage technocratique d’une Union européenne vouée au libéralisme et à la dévotion du marché. Encore faut-il que cette gauche antilibérale soit capable de se mettre d’accord sur un candidat, et ce n’est pas gagné. Si elle n’y parvient pas, si l’esprit de boutique l’emporte sur celui de rassemblement, si chacun y va pour son compte : qu’aucun d’eux alors ne compte sur ma voix. Tant qu’à faire, alors, je voterai « utile », c’est-à-dire Ségolène, pour barrer la route à Sarko... ou à Le Pen. Résumé : je suis très content du vote interne des socialistes. Pour trois raisons principales. D’abord, parce que ce choix embarrasse la droite, ringardise son champion autoproclamé, déstabilise sa campagne. On les entend déjà s’interroger : comment s’y prend-on pour combattre une femme (voir sur ce thème un billet drôle et pertinent de Schneidermann sur le Big Bang Blog). Ensuite, parce qu’il a l’effet d’une boule dans le jeu de quilles socialiste, et que tout ce qui secoue ce vieux parti sclérosé est bon à prendre. Enfin, parce qu’il ouvre un boulevard à une gauche radicale (qu’à l’inverse Fabius aurait gênée), pour peu qu’elle sache l’emprunter dans un même mouvement : c’est pour elle une occasion historique qu’il serait criminel de rater. RezoSamedi dernier, Rezo.net fêtait ses 7 ans. Tous ses copains sont venus déposer un p’tit cadeau sur son livre d’or. Comment, vous ne savez pas ce qu’est Rezo.net ? Depuis le temps que je vous dis d’en faire votre page d’ouverture ! Suffit de deux clics, un jeu d’enfant, même les handicapés du mulot peuvent y arriver. D’ailleurs, ils vous fournissent le mode d’emploi, allez-y voir ( http://rezo.net ) ! C’est tout de même pas sorcier... De : Bernard Langlois jeudi 23 novembre 2006 Sur le même sujet :
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